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29 janvier 2014 3 29 /01 /janvier /2014 13:16

Je mets à votre disposition un article que j'ai rédigé en mars 2000, et qui n'a pas été publié

Tant que Mohamed VI ne suit pas le conseil de Yassine, celui de renier les « fautes » de Hassan II en mettant sa fortune au service du Maroc, il ne sera pas légitimé en tant que commandeur des croyants, et l’association Al Adl wa al-Ihsane détiendra toujours un droit de regard et d’opposition. Il s’agit donc, en dernière analyse, de contester au nouveau roi son titre de « Roi des pauvres ».

En 1974, Yassine avait envoyé une lettre de 144 pages intitulée “L’Islam ou le déluge” à Feu Hassan II, dans laquelle il exhortait le souverain défunt à suivre la voie de l’islam pour éviter le déluge, c’est à dire coup d’état et révolution. Il proposait au Roi de gouverner avec l’appui des Ouléma et des militaires, et de dissoudre les partis politiques.

Vingt six ans après, Yassine récidive. En effet, il a récemment adressé, en tant que Mourshid (Guide) de l’association islamiste al Adl wa al-Ihsane, un mémorandum intitulé “A qui de droit” au nouveau roi Mohamed VI. Ce faisant, Yassine estime accomplir son devoir d’alem (savant), celui de conseiller le Roi (nassiha). Ce mémorandum, rédigé le 14 novembre 1999 (peu après le limogeage du ministre de l’intérieur Driss Basri), a été distribué aux militants de l’association et rendu public sur Internet le jour du dixième anniversaire de la mise en résidence surveillée de Yassine, c’est à dire le 22 Janvier 2000.

La proposition principale du mémorandum est la suivante : pour que Mohamed VI soit véritablement le “Roi des pauvres” comme le nomment les médias occidentaux, il doit utiliser la fortune que son père Hassan II a illégalement accumulée au cours de son règne, et ce pour régler la dette marocaine, résoudre la question du chômage et de la pauvreté. Proposition simple, voire simpliste qui vise à produire Yassine comme le véritable défenseur des pauvres. Proposition discutable, voire contestable, car partant du postulat de la confusion entre fortune personnelle et fortune de l’Etat. Pour cette « logique » simpliste, tant que Mohamed VI ne suit pas le conseil de Yassine, celui de mettre la fortune de Hassan II au service du peuple, il ne sera pas légitimé en tant que commandeur des croyants, et l’association de Yassine détiendra toujours un droit de regard et d’opposition. Il s’agit donc de contester au roi son titre de « Roi des pauvres ». Cette contestation vise deux choses :

- d’abord remédier à la mort de l’effet mobilisateur de « L’Islam ou le déluge » après la mort de Hassan II. Al Adl wa al Ihsane a en effet besoin d’un nouvel acte mobilisateur sous le règne de Mohamed VI et le mémorandum répond à ce besoin. En conséquence, le mémorandum viserait à maintenir la résidence surveillée qui profite à Yassine en fin de compte. Car priver Yassine de la liberté de circuler sans le juger fait de lui une victime politique du système makhzénien. La résidence surveillée donne de l’aura à Yassine et le mémorandum le maintient comme le seul leader politico-religieux qui n’a pas peur de dire la vérité aux rois.

- Ensuite, se distinguer, refuser l’intégration immédiate dans un jeu politique truqué, rester en dehors de l’alternance politique consensuelle pour rester populaire, pour recruter auprès du “peuple”, c’est à dire pour islamiser par le bas, tout en se démarquant de l’autre association islamiste, Al Islah wa et-Tajdid qui islamise aussi par le bas. Dans ce sens, le mémorandum de Yassine, en exprimant le refus d’être politiquement correct, discrédite objectivement son rival Al Islah wa et-Tajdid. Modérée, Al Islah wa et-Tajdid a en effet intégré le jeu démocratique parlementaire en intégrant/rénovant le parti d’El Khatib devenu depuis Parti de la Justice et du Développement (PJD). Secrètement manipulée par le puissant ministre des awqaf et des affaires islamiques, Al Islah wa et-Tajdid est sur le devant de la scène politique et médiatique en menant une lutte sans merci contre le projet gouvernemanetal d’intégrer la femme au développement, lutte à travers laquelle elle se présente comme le défenseur populaire de l’islam populaire. Son président a même été invité à donner une conférence à l’occasion des leçons hassaniennes présidées par le Roi le ramadan dernier.

Quelles réactions le mémorandum a-t-il suscitées ? La police a procédé à la saisie des hebdomadaires Le reporter et Al Moustaqill qui ont publié le texte intégral du mémorandum. Ce fut là un retour de censure grâce au code de la presse de 1973 qui permet au ministre de l’intérieur de procéder à la saisie. Mais vingt quatre heures après, les deux journaux sont remis en vente. La censure ne s’est pas assumée jusqu’au bout, se découvrant comme absurde en fin de compte, le texte ayant déjà été divulgué sur Internet, sur CD, et distribué le jour du dixième anniversaire de la mise en résidence surveillée de Yassine.

De son côté, la « Ligue des Ouléma du Maroc » estime dans un communiqué que le mémorandum de Yassine incite les sahraouis à rompre le pacte d’allégeance légale (qui les lie au Roi). Selon cette ligue, le mémorandum est contraire au Coran et à la Sunna, aux invariants religieux en matière d’us et coutumes de bienséance. Accusé d’ignorer la Shari’a, de dépasser les limites de la nassiha, et de sortir du consensus de la communauté islamique, Yassine est invité au repentir. Quant à l’association islamiste concurrente en vogue, Al Isslah wa et-Tajdid, elle estime pour sa part que le mémorandum de Yassine dessert le projet islamiste et le détourne des véritables batailles qu’il doit mener.

Quelles critiques peut-on adresser au mémorandum de Yassine? Le style descriptif et violent du mémorandum permet de le considérer comme un témoignage partial : Yassine témoigne contre Hassan II. Yassine qualifie le roi défunt d’adjectifs insultants et méprisants qui vont contre l’impératif islamique de parler des morts en bons termes et qui empêchent le mémorandum d’être une véritable nassiha. Dans ce sens, Yassine, tout en parlant au nom de l’islam vrai, ne cite dans son mémorandum ni verset du Coran ni hadith du prophète. On dirait plutôt un règlement de comptes entre deux hommes, dont l’un est mort. Critique partiale qui ne veut voir que les aspects négatifs et obscurs dans le règne de Hassan II. Pire, la critique yassinienne confond entre système politique marocain et personnage de Hassan II. Selon le mémorandum, Hassan II serait le seul responsable de la déchéance générale du Maroc. D’un autre côté, la tradition du conseil-nassiha dans l’histoire de l’islam montre que la nassiha adressée au Gouvernant se fait dans le secret. Or Yassine la publie et la distribue en milliers d’exemplaires. Plus que cela, il la publie sur Internet et ne s’adresse pas seulement au Roi. Il interpelle le lecteur, ses frères dans la foi, ses soeurs... Or la nassiha-conseil ne s’adresse pas à la ‘amma (peuple).

Plus simplement, on peut voir dans le mémorandum de Yassine une première réaction de AdI wa al-Ihsane après la mort de Hassan II pour se positionner dans un champ politico-religieux positivement dominé par le nouveau roi Mohamed VI. L’aura du nouveau souverain dérange profondément Yassine. Actuellement, celui-ci est le seul acteur politico-religieux marocain à être dérangé par cette aura prometteuse.

Fès, mars 2000

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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 23:08

Mes réponses à Géraldine Dulat du Magazine Illionweb

http://www.illionweb.com/polygamie-heritage-avortement-3-questions-au-abdessamad-dialmy/

  1. Quelle a été votre première réaction en écoutant les propos de M.Lachgar de l'USFP souhaitant abolir la polygamie et permettre l'égalité devant l'héritage entre les femmes et les hommes marocains?

Cela m’a rappelé l’USFP de 1975. A cette date, la section féminine USFP avait demandé que l'on révise le Code du Statut Personnel en dépassant la littéralité des textes islamiques afin d'obtenir des droits inédits, non initialement énoncés par la loi « divine ». Parmi ces droits inédits, l'appel à traiter la femme majeure comme l'homme majeur et à assurer l'égalité des époux dans tous les droits, à supprimer la tutelle matrimoniale, à interdire la polygamie, à transformer toute dissolution de mariage en divorce judiciaire. Plus loin encore, le rapport idéologique de 1975 demande la suppression de l'entretien unilatéral, c'est à dire la fin de l'entretien de l'épouse par le mari et l'implication de l'épouse dans l'entretien du foyer (en considérant par exemple le travail domestique comme une activité économique). C’est la non implication de l’épouse dans l’entretien du foyer qui justifie l’inégalité des sexes dans l’héritage. Lachgar ne fait donc que reprendre les revendications initiales du parti et qui ont été formulées par des associations féminines proches de l’USFP dans les années 1990.

  1. En tant qu'intellectuel, allez-vous officiellement soutenir l'USFP dans ce projet?

Bien sûr que je le soutiendrai. La question n’est même pas à poser. En fait, Lachgar ne fait qu’exprimer, au niveau politique, mes revendications d’intellectuel engagé, d’intellectuel spécifique, féministe, mes revendications issues des études de genre que je mène depuis le début des années 1970. Le bonheur de l’intellectuel est de voir ses utopies transformées en projet de société, en projet politique, c’est-à-dire réalisable. L’excommunication et les menaces de mort et les insultes sont le lot de tous ceux et celles qui osent remettre en cause les soi-disant invariants de l’islam. Je fais partie de ceux là depuis 1999, depuis mon voyage au Yémen, et depuis mon enquête sur l’identité masculine en 2000…

  1. Quels seront les principaux obstacles à abattre pour réussir l'Egalité dans la société marocaine en 2014?

L’obstacle premier est celui de la constitution. Parmi les acquis de l’article 19, l’idéal de la parité à atteindre par le biais de la création d’une autorité. L’égalité des sexes en matière de droits civils surtout est à souligner : elle signifie que tous les articles du code de la famille doivent garantir l’égalité de tous les droits entre les hommes et les femmes. Malheureusement, la constitution en tant que compromis et rapport de force, ne va pas jusqu’au bout : elle rappelle que l’égalité entre hommes et femmes doit se réaliser dans le respect « des constantes et des lois du Royaume ». Certaines constantes et certaines lois, non définies à souhait, sont donc au dessus de la constitution, voire anté-constitutionnelles. Par conséquent, on ne peut pas accuser l’inégalité dans l’héritage ou le droit à la polygynie d’être anticonstitutionnels. Tout au plus, on peut dire que la primauté devrait être donnée aux conventions dûment ratifiées par le Maroc, la CEDAW en l’occurrence. C’est là une procédure à laquelle personne ne fait recours. L’enjeu est donc de réformer l’article 19 de la constitution de façon que rien ne vienne entraver le principe de l’égalité totale des droits entre les sexes

Changer la loi suprême est donc un pas nécessaire, capital. Mais à lui seul, il n’est pas suffisant. Il faut arriver à convaincre les musulmans que 1) les lois édictées par le Coran et la Sunna ne peuvent et ne doivent pas être appliquées en tout temps et en tout lieu, 2) la non application de ces lois n’amoindrit en rien la foi du musulman. Donner le double au frère, donner à l’homme le droit d’épouser plus d’une femme et interdire à la femme d’interrompre une grossesse sont aujourd’hui les indices d’une foi aveugle, injuste, sous développée et sous-développante.

Compte rendu d’une discussion dans les vestiaires d’une piscine, ce dimanche 5 janvier vers 9h30 :

Ce matin, dans les vestiaires d’une piscine chauffée à Rabat, une discussion s’est engagée entre Me. Naim Slaoui et un professeur de droit à Rabat, connu dans les médias.

A la question de Me Slaoui sur les déclarations de Lachgar (égalité dans l’héritage, interdiction de la polygamie et dépénalisation de l’avortement), le professeur en question répondit : « Lachgar a dépassé les limites ».

Cette réponse m’a offusqué et je me suis impliqué dans la « discussion».

Le professeur a continué en affirmant que les déclarations de Lachgar menacent la stabilité du Maroc et troublent l’ordre public. Ce faisant, il a accusé Lachgar de « populisme », entendant par là que les positions de Lachgar flattent l’opinion publique ! Et pour finir, Il a affirmé que Lachgar, en tant que chef d’un parti politique, est soumis à une « obligation de réserve ».

J’étais scandalisé d’entendre ces inepties. La liberté d’opinion a-t-elle des limites au sein d’une démocratie ? La stabilité du pays et l’ordre public sont-ils si fragiles au point d’être si facilement menacés par les déclarations progressistes, à la fois démocratiques et féministes d’un chef de parti ? Lachgar ne fait-il pas preuve justement d’anti-populisme en revendiquant la réforme du code de la famille et du code pénal dans un sens qui va contre l’islam littéral, scripturaire, intégriste et populaire ? Ce faisant, ne risque-t-il pas de faire perdre des sièges à l’USFP lors des prochaines élections ? En fait, Lachgar a fait preuve d’un courage politique inédit. Lachgar n’est-il pas sommé, en tant que chef de parti, d’avoir une vision qui exprime et continue les invariants de l’USFPP depuis 1975, voire qui les renouvelle ? Les chefs de partis ne sont-ils pas les premiers à ne pas devoir obéir à une obligation de réserve, censés guider le Maroc vers plus démocratie et de liberté ? Aucune loi ne leur impose une obligation de réserve. Que Lachgar continue donc sur cette voie courageuse, mais qu’il explique aux Marocains que la foi ne doit être ni aveugle ni injuste envers les femmes. La foi ne doit être un opium ni pour les hommes ni pour les femmes. Une foi qui sacralise l’inégalité des sexes est un opium, elle est à remettre en question.

Quant au professeur de droit, devant sa sainte ignorance, devant son attitude affligeante et décevante, je l’ai accusé, en face, dans les yeux, de sous-développement. C’était la critique la plus polie que j’ai trouvé à lui adresser. Je l’invite à assumer ses dires en public, et à les défendre. Et à ne pas se contenter de les exprimer dans un vestiaire, en maillot de bain.

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13 novembre 2013 3 13 /11 /novembre /2013 17:53

A partir d’une étude que j’ai réalisée en 2012 sur « les représentations masculines de la violence à l’égard des femmes, « draguer dans la rue » n’est pas un acte perçu comme une violence à l’égard des femmes. Pourtant, les garçons de Tétouan utilisent le verbe « adaha » (أذاها) pour dire que le garçon drague la fille. Ce verbe signifie faire mal à l’autre, avoir un comportement nocif à son égard (أذى إذاية). Il est donc utilisé pour signifier « draguer », mais il est vidé de son sens agressif et négatif, neutralisé. Même chose pour le « nouggane » à Marrakech. C’est le fait de lancer des mots à la fois complimenteurs et agressifs à la femme dans l’espace public. Là non plus, le « nouggane » n’est pas considéré comme une violence. Pour certains, c’est un mode de rencontre. Pour certains, il est même une réaction. «Les filles te provoquent. Même celles qui sont voilées te provoquent par le regard. Ce sont elles qui te demandent de les draguer ». Draguer est donc une manière de faire connaissance. Pour des hommes à Temara, draguer une fille habillée sexy dans la rue n’est pas non plus perçu comme une violence. C’est la fille qui est responsabilisée, définie comme la provocatrice, le véritable agresseur.

Par conséquent, la « drague » est, au Maroc, un phénomène structurel banalisé. En effet, les hommes sont convaincus d’être agressés dans « leur » espace public par la présence accrue et provocante, à leurs yeux, des femmes. Réagir par le compliment et/ou l’insulte est devenu un mécanisme de défense masculin structurel, un moyen de préserver l’hégémonie sur un territoire (ici l’espace public), une manière de perpétuer une tradition qui consiste à dire que la place de la femme est dans l’espace privé et que des règles vestimentaires patriarcales sont à observer dans l’espace public. Ainsi, aborder et parler à une femme dans la rue sont des actes rarement perçus par les hommes comme une violence à l’égard des femmes. Plus simplement, la « drague » est vécue par une grande majorité des deux sexes comme « acceptable », comme un comportement normalisé, banalisé, loin de devoir être passible d’une pénalisation.

Pour ces raisons, la réaction majoritaire (sur les ondes et réseaux sociaux/internet) à l’annonce d’un projet de loi contre la drague est faite d’étonnement, d’ironie et de critique. Pour la plupart, lancer quelques mots à une jeune fille/femme dans la rue ne mérite pas de poursuite judiciaire. C’est disproportionné selon eux. D’autres avancent qu’au lieu de pénaliser les dragueurs, il serait plus juste de pénaliser les jeunes filles et femmes qui s’habillent de manière légère, provoquant ainsi le désir des hommes. D’après cette analyse, les hommes seraient des victimes du « sex-appeal » artificiel et volontaire des femmes émancipées au niveau de leur tenue vestimentaire.

Pour les défenseurs de cette thèse, la solution est simple : cacher le plus possible le corps féminin comme source de chaos et de séduction (fitna). Inconsciemment, ils présentent le port du voile comme l’élément central d’une politique publique préventive contre le harcèlement sexuel. En fait, si le port du voile doit demeurer un choix individuel et libre, il ne doit jamais être érigé en politique publique, en obligation juridique et/ou sociale préventive. En Occident, jeunes filles et femmes s’habillent de manière légère sans être pour autant victimes de drague dans la rue. Dire que les hommes en Occident ne draguent pas dans la rue parce qu’ils sont moins chauds et moins virils relève de l’ignorance et d’une naïveté orientale machiste. Si l’homme occidental ne drague pas dans la rue, c’est parce qu’il est éduqué, c’est parce qu’il a appris à contrôler son regard. Il a appris à respecter la femme comme une citoyenne qui a le droit de s’habiller comme elle veut dans l’espace public. Il est convaincu que l’espace public appartient aux deux sexes de manière égale, à toute heure du jour et de la nuit. Dans cet espace, il est impoli de fixer quelqu’un par le regard ou de lancer des mots agressifs ou complimenteurs à une fille/femme que l’on croise dans la rue. Que l’on apprenne donc aux hommes marocains de se contrôler, de ne pas regarder les femmes dans la rue, de ne pas voir comment elles sont habillées, de ne pas les agresser par des paroles impolies et agressives, par des compliments déplacés qui n’ont pas lieu d’être. Que l’on apprenne également aux jeunes filles et femmes de ne pas être sensibles à de telles paroles, de ne pas les apprécier et de ne pas y succomber. De considérer tout homme qui drague dans la rue comme un sous-homme, comme un non-homme.

En un mot, le projet de loi contre le harcèlement sexuel me semble être en avance par rapport à l’état des lieux des rapports sociaux de sexe au Maroc. Certes, pour une minorité, c’est un projet bienvenu car il fait partie de l’arsenal de lutte contre la violence à l’égard des femmes (à l’image de l’article 501-3 contre le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel ajouté au code pénal en 2003). Cette minorité est consciente du fait que la drague est une forme de violence à l’égard des femmes, et par conséquent inacceptable comme toute autre forme de violence basée sur le genre. L’idée de pénaliser le harcèlement sexuel dans la rue est une bonne initiative qui vise certes à protéger les droits des femmes (dans la rue) en tant que droits humains. Cependant, son objectif stratégique est de convaincre la majorité de la population à considérer la drague comme inacceptable en tant que forme « mineure » de la violence à l’égard des femmes. « Mineure » parce qu’une fois comparée aux coups et blessures, au viol, à l’exclusion du domicile conjugal, à la privation de nourriture ou à l’extorsion d’argent, elle paraît moins grave. Son impact psychologique à long terme risque d’être nocif et destructeur pour l’image de soi (de la jeune fille/femme). Y voir un indice de succès et de séduction est un indice de fausse conscience, d’aliénation patriarcale.

Rappelons ici que le projet de loi en question ne concerne pas seulement la pénalisation du harcèlement sexuel dans la rue. Toutes les formes de la violence à l’égard des femmes sont incriminées à travers ce projet de loi spécifique. Le code pénal seul semble être, dans sa version actuelle, incapable d’endiguer toutes les formes de violence dont souffrent les femmes. Pour cette raison, le « groupe démocratique » au parlement (PPS) a pris l’initiative de l’enrichir en présentant début 2013 une proposition de loi à la chambre des représentants, proposition qui incrimine spécifiquement toutes les formes de violence fondées sur le genre. C’est cette proposition qui a été reprise par le gouvernement sous forme de projet de loi. Dans la proposition de loi, l’article 448-24 incrimine spécifiquement le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Cependant, cet article ne traite pas de la question de la preuve. Comment établir le harcèlement sexuel ? Quelles preuves doit apporter la jeune fille/femme harcelée dans la rue pour établir qu’elle a été victime de harcèlement sexuel? Comment prouver qu’un homme lui a adressé des paroles déplacées ? C’est l’une des difficultés majeures que doit affronter le projet de loi. Que prévoit le projet à ce propos ? Faudra-t-il avoir des témoins ? Des enregistrements audio-visuels ? Comment les réaliser pendant le harcèlement sexuel ? Comment être acteur et spectateur en même temps ? Installer des caméras de surveillance spéciales ou exploiter les enregistrements des caméras déjà installées pour d’autres objectifs ? Charger les agents de circulation d’observer également les actes de harcèlement sexuel au même titre que les infractions au code de la route ? Charger la police des mœurs de considérer tout harcèlement sexuel comme un attentat à la pudeur? Responsabiliser la population en la chargeant de dénoncer tout harcèlement sexuel observé dans la rue ? En faire un devoir citoyen de chaque individu ? Ce sont là des pistes à explorer.

Et puis sensibiliser la police afin d’enregistrer les plaintes telles qu’elles sont rapportées par les victimes harcelées sans accuser celles-ci d’être la cause du harcèlement sexuel dont elles ont été l’objet. La police doit également veiller à vérifier ou à établir les preuves du harcèlement sexuel. Le parquet à son tour doit présenter le maximum de cas à la cour. Et le maximum de cas doit être condamné aux plus lourdes peines prévues par la loi. Les condamnations doivent être médiatisées le plus possible pour que la loi soit prise au sérieux et qu’elle remplisse au mieux sa fonction dissuasive. La loi contre le harcèlement sexuel a donc une double fonction : punitive répressive contre les cas établis, dissuasive préventive accompagnant et favorisant la révolution contre la mentalité patriarcale dominante.

Rabat, le 11 novembre 2013

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 12:17

"في الاعتقال من أجل قبلة"

نص الحوار الذي أجرته معي جريدة "الأيام" ونشرته يوم 10 أكتوبر 2013 ، والمترجم إلى الفرنسية من طرف المجلة الإلكترونية "بانورما" يوم 14 أكتوبر.

ما هو رأيكم في قضية اعتقال شاب وشابة بسبب قبلة ؟

أعتقد أن تدخل قوات الأمن في هذه القضية أمر طبيعي، لأن هناك فصلاً في القانون الجنائي يعتبر قيام شخص بتقبيل شخص آخر علانية إخلالا بالحياء العام، وبالتالي فإن المتابعة القانونية مسألة مشروعة، فضلا إذا اعتبر المسؤولون نشر تلك الصورة في موقع التواصل العالمي "الفايس بوك" بمثابة مس بسمعة المغرب كبلد إسلامي. هذا في اعتقادي المتواضع السبب الذي قد يكون دفع المسؤولين لتحريك الدعوى واعتقال القاصرين. وأنا طبعا من المنددين بتحريك هذه المسطرة، على اعتبار أن القبلة لم تعد ممارسة شاذة في المجتمع المغربي، وتدخل في مجال حقوق الإنسان، فمن الطبيعي أن يتمتع الفرد بممارسة حرياته الفردية. لكن هذا التنديد يدفعنا من جهة ثانية إلى مساءلة القانون الجنائي وبالضبط الفصل الذي استعمل في المتابعة، ويدفعنا أيضا إلى مساءلة معنى الحياء العام حتى لا يصبح ذريعة للوقوف في وجه الحريات الفردية، ويدفعنا للتدقيق في مفهوم النظام العام، والذي يتم تأويله حسب مزاج سياسي وديني وحتى إيديولوجي لمواجهة الحقوق والحريات الفردية، وبالتالي فإن المعركة هنا ليست ضد تدخل قوات الأمن التي حركت مسطرة قانونية موجودة، لكن المعركة الحقيقية هي ضد الفصل الذي اعتمدت عليه، ولذلك يجب أن نناضل من أجل حذف هذا الفصل وفصول أخرى تحد من الحريات الجنسيةوحريات أخرى، دينية مثلا

هذا الجواب يدفعنا للتساؤل ما إذا كانت هذه الحريات الفردية وضمنها الجنسية مضمونة في بلادنا؟

طبعا إنها غير مضمونة، وإذا قمنا باستطلاع للرأي سنجد أن الأغلبية من المجتمع ستقف في وجه قبلة الشاب والشابة، لأن هناك نزعة محافظة ترفض قولا مثل هذه الممارسات، على اعتبار وكما قلت قبل قليل، أنها تمس بالحياء العام والنظام العام، لكن هذه الأغلبية نفسها لها نفس الممارسات العاطفية أو الجنسية سلوكا.

ماذا تقصدون بالضبط؟

أقصد أن هناك طلاقا بين المعيار والسلوك، فالأول محافظ يكمن في رفض تلك الممارسة قولا، لكنه لا يرفضها على مستوى السلوك، ولذلك إذا كان المجتمع يرفض معيار تقبيل شاب لشابة، فإنه يمارس ذلك فعلا في الواقع اليومي، أي أنه سلوك أصبح مقبولا... من جهة ثانية، إذا كانت هناك أكثرية ترفض هذه الممارسة باسم معيار أبيسي، فإن هناك أقلية متنورة تنظر إليه من خلال معيار حقوقي حداثي وتقبل به على مستوى الفكرة وعلى مستوى الممارسة لأن خلفياتها الفكرية والإيديولوجية متنورة وتقدمية.

إذن، وباختصار هل هذه الحريات الفردية مضمونة في بلادنا؟

هنا يجب علينا العودة إلى روح الدستور الذي يقول أن الحريات الفردية مضمونة بموجب المواثيق والمعاهدات الدولية المصادق عليها من طرف المغرب، وأن هاته الأخيرة أسمى من القوانين الوطنية المحلية، وإنه إذا حدث تناقض بين المعاهدات الدولية والقوانين الوطنية، فإن الأسبقية تعطى للمواثيق الدولية، لكن الذي حدث في قضية القاصرين أن القانون الجنائي انتصر على حساب المعاهدات الدولية. إذن، انطلاقا من الدستور، يجب أن نلغي هذا الفصل الذي اعتمد في تحريك مسطرة الاعتقال.

هنا أيضا، يوجد طلاق بين الدستور والقانون الجنائي، الأول ينص على احترام الحريات الفردية، والثاني يمنعها، ولذلك يمكن القول إن الفصل المستعمل في هذه النازلة غير دستوري، وينبغي أن يصلح لكي يعانق المبادئ الدستورية الكبرى.

الموضوع أكبر من القبلة، ويندرج ضمن الحق في ممارسات جنسية أشمل، فالمجتمع لا يرفض القبلة بين غير المتزوجين فقط، بل يرفض العلاقات الجنسية قبل الزواج، ويعتبر كل ما هو جنسي قبل الزواج مجرما ومحرما، وهنا يطرح السؤال: لماذا نجعل من الزواج نظاما عاما ينبغي أن يخضع له الجميع؟

وما هو ردكم على هذا السؤال المعقد والشائك؟!

الذين يرفضون العلاقات الجنسية بشكل عام قبل الزواج يقولون بذلك من أجل الحفاظ على الأمن السلالي وعلى كل ما يترتب عنه من تمجيد للعفة ولغشاء البكارة ولفضائل الاستمساك الجنسي قبل الزواج، وهي الوسائل الوحيدة المتوفرة تقليديا لمنع الحمل، أي منع الشباب من الممارسات الجنسية قبل الزواج لكي لا يقع حمل يؤدي إلى اختلاط الأنساب. هذا تخوف مشروع كان مقبولا قبل عقود مضت، لكن الوسائل الوقائية اليوم تطورت بشكل كبير، وهي تقي من الحمل اللاإرادي،أي من اختلاط الأنساب، ومن الأمراض الجنسية المنقولة، ولذلك أقول وأؤكد أن منع الجنس قبل الزواج لم يعد اليوم مبررا.

لكن المجتمع المغربي المحافظ بالتأكيد لن يقبل بهذا المنطق؟

إنه مجتمع محافظ على مستوى القول كما ذكرت قبل قليل، أي على المستوى المعياري وعلى مستوى التمثلات للممارسات الجنسية والعاطفية، لكنه ليس كذلك على مستوى السلوك، ولذلك يمكن أن تجد أسرا تدفع بفتياتها إلى الشارع من أجل الاستبضاع الجنسي، كما يمكن أن تجد عددا من الأسر التي لا ترفض أن تلتقي فتياتها بأصدقائها من الجنس الآخر في نفس المنزل لمراجعة الدروس، أو للعب واللهو، فهذه الأمور أصبحت عادية وطبّع المجتمع معها، ولذلك أيضا أقول وأؤكد أن المجتمع ليس محافظا بتلك الصورة وبتلك الدرجة التي يريد البعض أن يصورها لنا، إنه مجتمع يتدافع من أجل قيم جديدة، ويتطور لتقبل قيم أخرى لم تكن مقبولة قبل خمسين سنة مثلا.

باختصار، القول إن المجتمع المغربي مجتمع محافظ قول إيديولوجي يخدم جهات محافظة لمنع التقدم إلى الأمام ولمواجهة والوقوف أمام تغير القوانين والنظام السياسي، هذه ليست إذن حجة، بل ادعاء باطل يخدم مصالح سياسية محافظة.

هل يمكن تأكيد هذه الخلاصة بناء على دراسة علمية؟

بالتأكيد، وأول دراسة أنجزتها سنة 1975 كانت حول المرأة والجنس في المغرب والتي نشرت في سنة 1985، ولقد أكدت من خلالها، وبكل وضوح، أن الفتاة في تلك الفترة كانت لها ممارسات جنسية قبل الزواج، كما كشفت عن فتيات رفضن الإمساك عن الجنس قبل الزواج، بل ومنهن من بحثن بكل الوسائل لتلبية الرغبات الجنسية في احترام لمنع الحمل في حالات معينة، وبدون انتباه لوقوع الحمل، في حالات أخرى.

ثم ما معنى وجود فتيات يبحثن عن غشاء بكارة اصطناعي؟ أليس هذا معناه وقوع ممارسات جنسية قبل فترة الزواج؟ بل ما معنى وجود أسر في البحث عن بكارات اصطناعية لفتياتهن قبل الزواج؟ وبالتالي فإن القول إن كل المجتمع المغربي محافظ هو قول منافق.

إذن كيف هي علاقة المغاربة بالجنس؟

المغرب اليوم يمر من مرحلة انتقال جنسي، معاييره الجنسية ماتزال تقليدية ودينية، أما سلوكاته الجنسية فتحررت من الدين إلى درجة كبيرة، هناك طلاق آخر بين المعايير الجنسية والسلوكات الجنسية، وبتعبير آخر فإن السلوك الجنسي يرفض البقاء في دائرة التحريم التي بدأت تتقلص تدريجيا، وهذا أمر طبيعي خاصة بالنسبة لمنظور تصاعدي وتقدمي يريد الذهاب بعيدا.

الجنس تاريخ، في البداية كان شبه حرّ ومتحرر، ثم أصبح محرما إلى درجة كبيرة، والآن بدأ يتحرر من مفهوم الحرام والتحريم، والمغرب كسائر المجتمعات يعرف ويعيش هذه الصيرورة، وهو تطور طبيعي لأنه لا يمكن اختزال الجنس فقط في مؤسسة الزواج، علما أن الجنس نفسه عاش مؤخرا مرحلة انفجار، ولم يعد باستطاعته الانحصار فقط في مؤسسة الزواج، وبالتالي فإن الشاذ في نظري هو وضع ترادف بين الجنس والزواج.

سنطرح السؤال بصورة مغايرة.

تفضل

تحليلكم سيقودنا مباشرة إلى المنطق الذي يعتبر ممارسة الجنس قبل الزواج، بما في ذلك التسامح مع القبل لدى الشباب القاصر، رذيلة، فما هو ردكم؟

هذه أخلاق أنتجها النظام الذكوري، الرذيلة والفحشاء والفاحشة تدافع عن مصلحة الرجل وسيادته وتفوقه، وليست أخلاقا محايدة، ينبغي أن نعيد النظر فيها، إنا أخلاق/وسيلة لضبط جنسيانية الفتاة والمرأة، الأخلاق الجنسية المحايدة مساواتية تبني على التراضي بين الشريكين في كل ما يتعلق بالجنس، قبل الزواج وأثناءه وخارجه. الجنس كرذيلة فكرة ذكورية بامتياز تحمي مصالح الرجل، الاقتصادية والجنسية.

طيب، ما هو تفسيركم لتنامي ظاهرة الاغتصاب وزنى المحارم؟

صحيح، ظهرت في الآونة الأخيرة كثير من الأخبار عن تنامي ظاهرة الاغتصاب وزنى المحارم، وقد تداولتها مختلف وسائل الإعلام، وكانت محط نقاش من طرف المجتمع، لكن هذه الأخبار المتواترة ليست إلا مؤشرا من مؤشرات عديدة تدل على أن المجتمع المغربي مريض وغير متحرر جنسيا، ويعيش حرمانا جنسيا هو الذي يؤدي إلى الاغتصاب وزنى المحارم، وهو أيضا ناتج عن غياب الحرية الجنسية، وعن غياب التربية جنسية، وباختصار شديد، ناتج عن غياب المواطنة الجنسية، عكس ما يحدث في الدول الغربية التي تتمتع بحرية وبمواطنة جنسية، ولذلك لا تعثر على حالات الاغتصاب وزنى المحارم مثل ما يحدث عندنا وعند دول أخرى تعيش القمع الجنسي، اجتماعيا وقانونيا.

هنا يعني أن مجتمعنا مكبوت جنسيا؟

بكل تأكيد، على الرغم من تواتر مظاهر خادعة عن وجود حرية جنسية، وفي الحقيقة هناك تعايش بين الكبت والحرية، وهو ما كان يظهر خلال سنوات القمع التي عملت بسياسة "دعه ينكح دعه يمر"، وهو ما أدى إلى ظهور نوع من الليبرالية الجنسية، علما أن هذه السياسة استعملت من أجل التخفيف من حدة القمع السياسي المسلط على المغاربة، بل وحتى دفعه لتقبل ذلك القمع من خلال فسح المجال لليبرالية جنسية، وهي التي أدت في مرحلة معينة إلى البغاء الجنسي، لكنها لم تستأصل جذور الكبت الجنسي الذي مايزال قائما حتى اليوم...

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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 21:59
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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 21:57

Au Maroc, la morale dominante est antisexuelle, sexiste, misogyne, inégalitaire. En un mot, elle est patriarcale. Elle n’offre pas les mêmes droits aux femmes et aux hommes, aux mariés et aux non mariés, aux hétérosexuels et aux LGBT. Son objectif principal est de condamner les jeunes filles à l’abstinence sexuelle afin de ne pas avoir des enfants qui créeraient la confusion des patrilignages et des biens. C’est ce que j’ai conceptualisé dans la théorie de la sécurité généalogique : le père n’accepte pas que son nom patronyme et ses biens soient transmis à ses petits enfants conçus dans une relation sexuelle illégale, qu’il n’a pas permise. Dans le cas des femmes divorcées et veuves, la théorie sociale de l’enfant endormi sert à rattacher l’enfant au mari répudiateur ou au défunt, et ce bien longtemps après le délai de viduité. C’est donc la jeune fille qui est finalement seule susceptible de menacer la sécurité généalogique du groupe agnatique puisqu’elle ne peut pas rattacher son enfant dit « naturel » à un père légal, c’est-à-dire à un mari.

Pour cette morale patriarcale consacrée par l’islam-standard, c’est-à-dire par l’interprétation dominante du Coran et de la Sunna, l’abstinence, la virginité-hymen et l’honneur sont les contraceptifs imposés pour prévenir les grossesses chez les jeunes filles non mariées. Aujourd’hui, cet arsenal contraceptif islamo-patriarcal échoue face à l’explosion du nombre des grossesses préconjugales, suite à la dés-institutionnalisation grandissante de la sexualité. Abstinence et mariage précoce ne sont plus des propositions tenables et réalistes à proposer aux jeunes filles. Elles n’ont jamais été proposées aux garçons (qui avaient le droit de posséder des esclaves sexuelles, entre autres).

Au Maroc, la dés-institutionnalisation de la sexualité, qui est un visage de la modernité, est pour le moment sauvage et anarchique, mal assumée, mal vécue. C’est un fait indéniable, mais un fait non reconnu car considéré comme déviance, chaos et ignorance. En fait, cet état de la sexualité marocaine représente une étape transitoire vers une sexualité moderne véritable. Le retour en arrière n’est plus possible, il n’est pas souhaité. L’état passé de la sexualité reposait principalement sur l’exploitation (sexuelle) des femmes dans l’esclavage, la prostitution et le mariage.

Dans l’état moderne de la sexualité, la sexualité est apprise grâce à une éducation sexuelle qui est à la fois savoir, techniques et éthique civile et civique. Cette éducation est le seul garant véritable de la santé sexuelle et reproductive. Celle-ci à son tour n’est pas concevable sans le droit à la sexualité, à une sexualité libre, consentie où la femme est un partenaire égal, n’ayant pas besoin de permission patriarcale pour jouir de son corps et en être le seul maître et possesseur.

Plus la sexualité est reconnue comme un droit, plus elle s’assume, et plus elle se protège. Distinguons donc entre le droit à la sexualité et le droit au mariage. Le droit à la sexualité n’est pas soumis au droit au mariage. Le mariage ne doit plus être le seul « permis de baiser » possible. Le droit à la sexualité est un droit humain en soi, soumis au seul consentement informé des partenaires, un consentement mû par le désir, par le plaisir, voire par l’amour. Jamais par l’argent. Quand l’argent est là, c’est la débauche, c’est la prostitution et la pornographie. Toute relation sexuelle consentie, informée et non commerciale est donc un droit humain individuel fondamental. Elle est un facteur essentiel dans la réalisation de la santé, c’est-à-dire du bien-être physique, mental et social des citoyens.

Aujourd’hui, l’enjeu est de lutter, comme je l’ai exprimé en 2007, contre l’article 490 du code pénal afin de l’abroger au nom des libertés individuelles fondamentales. J’ai été heureux de voir le mouvement féministe « Le Printemps de la Dignité » en 2010, puis l’AMDH en 2012 et enfin Adala en 2013, reprendre cet appel. Mon appel n’est plus solitaire. Il est maintenant porté par une société civile qui mérite de plus en plus son nom. Je ne me sens plus seul dans la lutte pour les droits (hétéro) sexuels en tant que droits humains. D’autres luttes sexuelles sont également à mener. Je les soutiens du fond de ma foi dans les droits humains.

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7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 17:18
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7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 17:16

Il existe quatre catégories de partis politiques au Maroc:

1) la première comprend les partis qui sont convaincus par les principes de la démocratie et qui les appliquent à leurs propres structures,

2) la deuxième renvoie aux partis qui sont convaincus par les principes de la démocratie sans toutefois les appliquer à leurs propres structures,

3) la troisième renvoie aux partis qui ne sont pas convaincus par les principes de la démocratie mais qui les appliquent à leurs propres structures,

4) la quatrième renvoie aux partis qui ne sont pas convaincus par les principes de la démocratie et qui ne les appliquent pas à leurs propres structures.

C’est la première catégorie qui répond aux normes véritables d’une démocratie véritable, à la fois externe et interne. Cependant, cette catégorie est écartée de la course au pouvoir.

Ce sont les trois autres catégories de partis qui « arrivent » au pouvoir pour participer à la gestion d’une démocratie viciée.

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 22:58

 

Voici mes réponses complètes à la journaliste Fadwa Islah du magazine Illi (juin 2013) au sujet de la virilité.

 

- Dans l'imaginaire collectif, la virilité est synonyme de puissance, force, vigueur, robustesse, énergie, pouvoir, autorité... Et vous, comment définissez-vous la virilité ?

 Abdessamad Dialmy : Commençons par distinguer entre mâlitude (doukoura), masculinité (roujoula) et virilité (fouhoula). La mâlitude, c’est le fait d’avoir un pénis. La masculinité, telle que définie par le patriarcat, renvoie aux caractéristiques de l’homme : 1) morales (parole, honneur…), 2) sociales (sens de la responsabilité, protection de la famille), 3) politiques (sens du commandement, exercice du pouvoir sur femmes et enfants) et 4) sexuelles (virilité). La virilité, c’est donc  la caractéristique sexuelle principale de la masculinité.  C’est le pouvoir de bander, de jouir, de faire jouir la partenaire, de la féconder. Le pénis viril devient alors l’instrument par lequel l’homme domine la femme dans tout système patriarcal. Cette domination masculine est consolidée par le recours masculin à la loi, à l’argent, à la violence, au pouvoir… Dans les sociétés primitives, l'homme était jaloux de la femme, celle-ci était considérée comme supérieure, c’est elle qui tombait enceinte, on ignorait totalement le rôle du sperme dans la fécondation, et les premiers dieux étaient de déesses, les déesses mères. Le passage au patriarcat, grâce à l’appropriation des moyens de production par les hommes, a produit la domination masculine en produisant la masculinité comme pouvoir, et la virilité comme relation de domination de l’homme sur la femme. Le pénis a été considéré comme le référent, et comme la femme ne l’a pas, elle a été considérée comme incomplète, donc inférieure. Sur la base de cette infrastructure qu’est le pénis, le patriarcat a construit la virilité comme expression sexuelle de la domination masculine. Bien entendu, il existe une multitude de stéréotypes de l'homme viril, qui changent en fonction des époques et des sociétés : le guerrier (antiquité), le chevalier (Moyen Âge), le cow-boy, l’ouvrier (temps modernes)…. Bien entendu, il existe une multitude de stéréotypes de l'homme viril qui changent en fonction des époques et des sociétés : le guerrier (antiquité), le chevalier (Moyen Âge), le cow-boy, l’ouvrier (temps modernes)….

 

 -Y a-t-il des signes visibles à l’œil nu de la rojoula ? Quelles sont les caractéristiques physiques de la virilité ? Comment détecter un homme viril ?

 AD : Les femmes ressentent intuitivement à partir de certains signes si un homme est viril ou pas… il y a la voix, le regard, la poignée de mains, la prise de décision, la réussite sociale, l’argent, la confiance en soi... ….

 

- Le portefeuille et la carrière sont donc les signes de la rojoula moderne? 

AD : Le portefeuille et le sexe sont deux composantes fondamentales de la masculinité dans la tradition. Comme le souligne ce hadith du prophète : « Celui qui a la puissance (al ba’a), qu'il se marie ». Ici puissance renvoie à la fois au pouvoir d’entretenir une femme et à la capacité d’avoir des rapports sexuels. La modernité tend à dissocier entre masculinité et portefeuille. Celui-ci n’est plus l’apanage des hommes.

- La virilité est-elle l’apanage des seuls hommes ? Ou la femme peut-elle être virile ?

 AD : La virilité est une spécificité masculine et le reste même dans les temps modernes. Cela n’empêche pas les femmes d’exercer le pouvoir, sous toutes ses formes, symbolique, économique et politique. L’une des conquêtes de la modernité est d’avoir démontré que le pouvoir ne doit plus être lié au fait d’avoir un pénis.

 

- Sensibilité et virilité sont-elles compatibles ?

 AD : Plus la société se dépatriarcalise, plus sensibilité et virilité sont compatibles. C’est quand la virilité n’est plus vécue comme un moyen de domination masculine qu’elle peut aller de pair avec la sensibilité et la tendresse. C’est dans les sociétés postmodernes comme les pays scandinaves que l’homme est à la fois viril et tendre. Au Maroc, l’homme tendre est appelé « rouijel », un petit homme, un homme incomplet. Il est méprisé.

 

- Un homosexuel peut-il être viril ?

 AD : Dans le contexte marocain, « homosexuel » est une appellation réservée aux hommes qui sont sexuellement pénétrés. Le « louat », l’homme qui pénètre enfants, adolescents et adultes de sexe masculin, n’est pas considéré comme un homosexuel. Il est perçu comme viril. Etre viril, c’est pénétrer les autres, quel que soit leur sexe.

 

 - La virilité est-elle innée ? Ou bien y a-t-il des éléments dans l’éducation qui permettent de préparer un jeune garçon à devenir un homme viril ?

 AD : La construction psychologique de l’homme viril fait partie de la construction sociale de la masculinité. Elle commence dès le début, avec une plus grande valorisation du garçon, c’est à dire dès la naissance. Elle part de la mâlitude : le pénis est célébré par plus de youyous, une plus grande fête... Le pénis, c’est l’infrastructure sur laquelle on va construire la masculinité, et la virilité qui va avec. La mère caresse le pénis de son garçon, elle en est fière, elle en joue, elle l’exhibe. Puis on apprend au garçon à sortir dans la rue, à se battre, à montrer qu'il est courageux, qu'il n'a pas peur... Puis la circoncision fait sortir le garçon du monde des femmes. Elle le purifie de tout signe de féminité (prépuce) et le jette dans le monde des hommes. Cela se poursuit à l'âge adulte par le rite de la défloration, rite sexuel initiatique. C’est l’épreuve de la virilité par excellence, c’est le moment où l’homme doit donner la preuve sexuelle de sa masculinité, c’est le moment de prouver qu’il est «Moulay soltane », c’est-à-dire pouvoir, puissance… Il va alors adopter la maxime « je bande, donc je suis ». En cas de panne sexuelle, en cas de pannes répétées, définitives, l’homme meurt en tant qu’homme. Dans la logique patriarcale, l’impuissance sexuelle détruit la masculinité. La panne sexuelle n’est liée qu’à l’homme, c’est le contraire de la virilité. Elle est impensable pour la femme. La panne sexuelle rend le coït impossible, pas la frigidité.

 

 - Pourquoi les femmes, même les plus modernes, sont-elles aussi « éprises » de la virilité ? Pourquoi ce critère est-il si important pour elles dans le choix d’un compagnon ? N’est-ce pas le signe d’un désir de soumission au mâle dominant ?

 AD : Cette posture paraît contradictoire. Les féministes modérées veulent que l'homme ne soit pas dominateur, qu'il soit galant, qu'il fasse la vaisselle, qu'il donne le biberon, tout en conservant sa virilité, sa puissance sexuelle. Pour les conservateurs, cet homme sera féminisé. L’exemple scandinave prouve que cet homme est pensable, possible. A mon sens, c’est l’idéal de l’homme, c’est l’homme idéal. Vouloir que l’homme soit et reste viril, c’est une demande acceptable dans la modernité, vouloir qu’il soit et reste dominateur, ce n’est plus acceptable dans la modernité.

 

- Pourquoi dit-on « Rojoula bhar, et l3ouwama 9lal... » ?

 AD : On peut traduire ce proverbe (patriarcal) de la manière suivante : « la masculinité est un océan, ceux qui y nagent sont peu nombreux ». Cela signifie que la masculinité est quelque chose d’inaccessible à la plupart des mâles, être mâle ne signifie pas être automatiquement homme. Dans le patriarcat, devenir homme est une conquête difficile, c’est un statut qui n’est jamais acquis de manière définitive. C’est une épreuve à vie. L’homme est tout le temps sollicité d’apporter la preuve qu’il est (toujours) un homme, surtout sur le plan sexuel. Pour le patriarcat, l’homme ne connaît pas de retraite sexuelle, il se doit d’être et de rester viril, à vie. Se rapprocher le mieux de cet homme musulman tel que décrit au paradis par Al Souyouti, cet homme à l’érection constante, sans défaillance aucune. Comme on le voit, la définition patriarcale de la masculinité n’en fait pas une tâche reposante.

 

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19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 19:47

Pour le droit à l’apostasie 

Il est évident que la fatwa/opinion du Conseil Supérieur des Ouléma (CSO) qui consiste à autoriser la mort de l’apostat est une violation des droits humains. En effet, au nom de quelle logique peut-on aujourd’hui imposer à un musulman de rester musulman malgré lui ? En 2000, j’ai écrit dans mon livre « Vers une démocratie sexuelle islamique » que le musulman véritable est celui qui est musulman sans être obligé de l’être et/ou de le paraître. Par conséquent, il vaut mieux avoir cent musulmans dont la foi est sincère que d’avoir un million de pseudo-musulmans, c’est à dire des gens qui font semblant d’être musulmans par conformisme, par peur de s’assumer en tant que non-musulmans.

Le prêche du vendredi à la mosquée Ouhoud est venu corriger l’opinion/fatwa dogmatique du CSO. En présence du Commandeur des Croyants, le prêcheur a défendu la liberté religieuse, celle de conscience, au nom même de l’islam. « Nulle contrainte en religion » est le verset coranique fondamental qui légitime la liberté de conscience comme droit humain. Pour moi, c’est une avancée admirable que d’affirmer cela en présence du Commandeur des Croyants, en son nom en dernière analyse. Il est l’imam suprême. 

Cependant, ce prêche isolé reste un indice, l’indice d’une politique publique religieuse à naître, à officialiser. L’absence d’un article dans le code pénal incriminant l’apostasie n’est pas suffisante. Peu de gens connaissent le code pénal, mais beaucoup de gens suivent les fatwas et les prêches. 

La question que je me pose est la suivante : pourquoi ce prêche « historique » qui refuse de tuer l’apostat n’a-t-il pas été généralisé à toutes les mosquées du Maroc ? Certes, il est symbolique, un exemple à suivre. Cependant, du moment qu’on peut affirmer que ce prêche n’est pas une initiative personnelle de l’imam de la mosquée Ouhoud, du moment qu’on peut supposer que l’imam a prêché la liberté de conscience sous l’instigation d’une autorité qui lui est largement supérieure, pourquoi cette autorité n’a-t-elle pas demandé à tous les imams de faire le même prêche ? Il est encore possible de le faire, et de le refaire, et ce dans le but de hisser les Marocains à la station (maqam) de la tolérance. En termes plus clairs, amener les Marocains à se respecter mutuellement quelle que soit leur religiosité: les Marocains musulmans, non musulmans, agnostiques, apostats et athées sont tous égaux en tant que citoyens d’une même nation. L’islam n’est pas l’indice automatique de la bonne citoyenneté, l’athéisme n’est pas non plus l’indice mécanique d’une mauvaise citoyenneté.

Publié le 3 mai 2013 sur mon compte Facebook

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