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24 janvier 2018 3 24 /01 /janvier /2018 13:37

      

       Samedi 20 janvier 2018, j’ai présenté mes deux livres sur la « Transition sexuelle » aux étudiants du Master GRH à la Faculté des Sciences de l’Education à Rabat.

       Entre autres thématiques, le livre traite des relations sexuelles avant et hors-mariage. J’ai montré comment la prohibition de la fornication (zina) par l’islam est due à la crainte de la confusion entre les lignages et les héritages (par la faute de l’enfant naturel), d’où cette intentionnalité de préserver le ‘ird,  ce symbole de l’honneur. En d’autres termes, l’honneur des hommes réside dans l’abstinence sexuelle des jeunes filles (virginité) et dans la fidélité des épouses.

       Lors de la discussion du livre, une étudiante (voilée) me parla d’une étude israélienne qui montre comment le sperme du mari inscrit un code dans l’appareil sexuel de l’épouse, et que tout rapport sexuel avec un autre mari (après le divorce ou le veuvage) doit avoir lieu après la stricte observance de la période de viduité (‘idda) afin que le code spermal du mari soit effacé. Si l’épouse a un rapport sexuel avec un autre homme au cours de son mariage ou avant la fin de la ‘idda, l’épouse aura un cancer du col de l’utérus. C’est là, d’après l’étudiante, une preuve du bien-fondé islamique de la prohibition de l’adultère de l’épouse. Bien entendu, ce risque de cancer serait plus accru au cours du célibat, période durant laquelle la jeune fille a plus de risque d'être multi-partenaire. Que dire de la travailleuse sexuelle qui a plusieurs partenaires sexuels par jour. En principe, si l'étude en question est scientifique, toutes les travailleuses sexuelles auraient un cancer du col de l'utérus.

       Toujours selon l'étudiante voilée, cet argument a plus de poids dans la mesure où l'étude  a été faite en/par Israël, l’ennemi de l’islam par excellence. Il faut donc prendre son argumentation au sérieux. Israël apporterait donc, et publierait par honnêteté scientifique,  une découverte qui est à l’avantage de l’islam. Les femmes musulmanes sont ainsi privilégiées dans la mesure où leur religion leur interdit les relations sexuelles illégales qui conduisent au cancer du col de l’utérus. On peut déjà se dire que les femmes juives et chrétiennes obéissent au même interdit religieux de l’adultère.

       L’étudiante voilée n’a mentionné ni le titre de l'étude israélienne ni le nom de son auteur ni le nom de la revue qui a publié l’étude ni l’année et le lieu de la publication. Cela m’a rappelé ces autres « études scientifiques occidentales » qui rejettent la théorie du Big Bang et la théorie évolutionniste. Deux théories qui minent le script religieux abrahamique de la création du monde et de l’homme. Face à la force de la science et de la raison humaine, les islamistes abrahamiques n’ont d’autre moyen pour défendre l'islam que d’alléguer l’existence d’études occidentales scientifiques  qui « sauveraient » la théorie abrahamique de la création ex nihilo du monde et le mythe d’Adam.

       C’est sûrement sur la base de cette "étude scientifique israélienne" que le fqih de la radio Chada FM a mis les femmes marocaines en garde contre la sexualité prohibée (sexualité pré-conjugale et adultère). Je me pose alors les questions suivantes : le fqih en question a-t-il lu cette étude ? Cette étude existe-t-elle ? A-t-il seulement entendu d’autres foqha en parler ? Et puis, grâce à une radio, on peut voir comment une fake étude se transforme en fake news pour mieux endoctriner religieusement les femmes. Cela prouve que les foqaha n'arrivent plus à convaincre les femmes par leur seule argumentation religieuses, mais qu'ils tentent de donner une assise (pseudo) scientifique aux interdits qu'ils professent. La foi serait donc devenue insuffisante à elle seule pour détourner les femmes des sexualités prohibées par l'islam.

       Autre problématique : comment la radio en question peut-elle savoir ce que le fqih va dire au cours de l’émission si l’émission est en direct ? Et même si l’émission est enregistrée, la radio va-t-elle faire des recherches pour vérifier l’existence de cette étude et sa scientificité ? Mettra-t-elle en doute la parole d’un fqih, un homme de Dieu ? La vague islamiste dominante ne va-t-elle pas emporter l’adhésion de la radio elle-même, la radio croyant bien faire surtout qu’il ne s’agit pour elle que d’éloigner les femmes de la fornication, ce qui est conforme à la morale dominante ?

Cette nouvelle sortie médiatique islamiste me rappelle un vendredi de février 2010. Je conduisais et j’écoutais distraitement la radio.  Je ne sais plus quelle chaîne c’était, mais je compris que c’était une émission religieuse. Le fqih-consultant répondait aux questions des auditeurs. Parmi ces questions, une était à propos de la licéité de l’avortement dans le cas d’une grossesse due à une relation incestueuse. Bien sûr, le fqih-consultant affirmait que, même dans ce cas, l’avortement est illicite (sans préciser bien entendu que c’est surtout selon le point de vue malékite). Plus loin, il s’indignait : « comment un homme peut-il coucher avec sa fille, sa sœur ou sa nièce. Et dire que même les animaux ne font pas ça » ? Comme preuve, il raconta une histoire que les «Ouléma connaissent tous », affirma-t-il, sans citer aucune source.

C’est l’histoire d’une belle jument qui a mis au monde un poulain. Les deux étaient de race supérieure, d’une beauté extrême. Le propriétaire voulait sauver leur race et les poussait à s’accoupler pour se reproduire. A chaque tentative, le poulain refusait de monter sa mère. Ne renonçant pas, le propriétaire couvrit la mère pour que le poulain ne la reconnaisse pas. Alors le poulain coïta la jument. Après l’acte, le propriétaire découvrit la mère, et le poulain se rendit compte de l’inceste qu’il venait de commettre. Il se sentait tellement coupable qu’il se castra, affirma le fqih/consultant.

L’animatrice ne posa aucune question relative à cette histoire et la prit pour argent comptant !

En écoutant cette histoire inimaginable, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à l’expression d’Olivier Roy, la « sainte ignorance ». Elle s’applique à merveille ici. Preuve d’une ignorance manifeste, cette histoire est transformée en modèle, puis sacralisée et sanctifiée par l’auditeur. Elle est transformée en vérité cautionnée par la science « suprême », le « 'ilm » et ses gestionnaires, les Ouléma. Elle devient un prêt-à-penser, un ennemi de la raison. Sanctifiée, l’ignorance est très dangereuse, plus dangereuse. (http://dialmy.over-blog.com/article-la-jument-le-poulain-et-l-inceste-109139101.html).

                      

 

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14 janvier 2018 7 14 /01 /janvier /2018 20:06

«Female liberation is possible in the name of Islam. But Islam is no more a religion nowadays. In many Arabic States, it has become an expression of the power and a backbone. In few words, it is possible to say that Islam has degenerated in “islamism”, that is a pathology of Islam itself».  For more than 30 years Abdessamad Dialmy, Moroccan sociologist and ex professor at the Universities of Fez and Rabat, studies the complex relationship between Islam, sexuality and feminism, claiming the necessity of a reinterpretation of the holy Islamic texts in key feminist. An original and modern research to which Dialmy gives a new strength with his last book "Transition sexuelle : entre genre et islamisme" (Paris, L'Harmattan, 2017), and that has cost insults and threats of death since the end of the 90ies.

Professor, can we talk about a “feminist spring” in the Arabic world?

Off course. The first Islamic feminist movements in the Arabic world were born around the half of the 19th century. The European colonialist accused the Arabic people to be unfair towards their women and to keep them away from the public life and the power. Lot of European thinker, as the French orientalist Joseph Ernest Renan, considered Islam as a “male religion”. Facing this accusation, muslims began a long and complex process of self-analysis. An important research in this sense was developed by the Tunisian muslim scholar Tahar Haddad, who affirmed that the interpretation of the Quran followed until his time denied female liberation and for that reason a new interpretation of the Quran who conciliated Islam and female emancipation was necessary.

A conviction that would find an important validation in the politic world.

In this sense, the code of family proclaimed in 1957 in Tunisia by Habib Bourguiba banned polygamy and (unilateral) repudiation, it’s a revolutionary act: it occurred for the first time in a non-secularized State. This conquest was not achieved against Islam but in the name of Islam. It’s not a casualty that for the elaboration of the family code Bourguiba look at the help of Tunisian ulema in order to justify islamically the ban of polygamy and repudiation.

And so it began to be more stronger the idea of a form of female liberation in the name of Islam.

Exactly. But this first reformist Islamic feminism stopped in general at the notion of “equity”, which recognises different rights for men and women on the basis of their different nature. It is only at the beginning of the 70s, that another Islamic feminism, secular and leftist, started to use notion of “equality”, in the name of Islam. Because of that it has become necessary going beyond the literally meaning of the Quran and searching for a new interpretation. Female liberation nowdays cannot avoid Islam, which still now is religion’s state and religion’s society in the Arabic world, that is to say the basis of the legitimacy of current family and sexual laws. But since the end of the 90s, there is a come back to the notion of equity with what we must call islamist feminism, this literally approach of Koran and Sunna. For islamist feminism, equity means no equality at all.

But in this way don’t we risk to force the message contained in the Quran if we try rearding it in a feminist key?

Our society has changed from the 7th century, even if, at the moment of his birth, Islam allowed women more rights than in the West. We have to recover the original spirit of Islam if we want to build a fairer society. In this sense, the Quran and his reinterpretation in key feminist represents a tactical tool to make this change more acceptable by the people, “islamically” acceptable.

But nowadays young people seems to want to return to a literally interpretation of the holy texts.

Nowadays, islamist feminism, which is based on the idea of “equity”, is predominant. Young muslims feel humiliated and marginalised by the West, and because of that they are searching for a strong identity. In this vision a good solution seems to be the comeback to a literally interpretation of the Quran, that is also more easy to understand. This is the reason why a change is now necessary. But it won’t be simple. The majority of Arabic States are undemocratic and the religion has become the best way to maintain the power. For that, they are not interested in any secularisation process. Secularization is unconceivable today.

Not for nothing Bernard Lewis, British historian and orientalist, the democratic revolution in the Middle East will start from the women.

I don’t totally agree with him. Surely women are who less things to loose into this process and more to earn from it. But female liberation embroils the involvement of all the social actors. Feminism has no sex, as I said in 2010 at the IV International Congress on Islamic feminism. This is the reason why, in my opinion, women won’t be the only actor to reach gender equality and democracy. Lot of them still believe in the patriarchal chauvinist system as many men. The majority of Arab and Muslim men and women are still not favourable to gender equality.

In the last terrorist attacks, the assailant has raged against women. Is it a coincident or does it reveal something deeper?

Surely radical Islam hates women. Generally, terrorists are unmarried and they don’t have any satisfying sexual life. For them an unveiled woman represents a negative object, capable of wakening their desire and a source of chaos. So women are the best target for violent extremist. But we can also talk of a coincidence. The terrorist’s aim is to eliminate all the infidels, regardless of their sex, nationality, colour, race. For terrorists, Infidels exist also among Muslims.

About the veil. A tool of self-determination or a male domain’s symbol?

To the islamist feminism, it’s a tool that gives women the chance to be not perceived as a body. For secular and Islamic feminism, this idea embroils the acknowledgement of a vision that sees the female body as a disturbing element in the public and social life. But certainly, the veil has to be an individual choice and not a political choice. For that reason, also forced women to not wear the veil is a form of violence.

Nowadays the veil is also a tool of protest.

Surely. The veil is an instrument to contest the occidental system. Wearing the veil means affirm its own identity.

And how could the Islamic world proceed towards secularisation?

Reason, freedom and equality are the foundations. It means starting from education, from the respect to the other sex, from democracy and from the rejection of all those traditions that are against the female liberation. Another fundamental aspect is represented by economic independence. If women reach an economic autonomy, they will have more chance to access to the status of true citizens, breaking the chain of male domination. And radical islam is aware of that, it has fear of it and therefore tries to stop the process.

 

 

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11 janvier 2018 4 11 /01 /janvier /2018 12:50

Addendum 2 : Le bus rose, un fantasme islamiste de ségrégation sexuelle

        

         Lundi 8 janvier 2018, j’ai été invité par Luxe Radio à participer à l’émission de Mehdi Taoussi « Avec ou sans parure ». L’émission portait sur le bus rose, cette idée lancée par le maire de Rabat. Quatre autres personnes participaient à l’émission : deux militantes de l’ADFM, un psychiatre de Casablanca et une journaliste française.

         Lors de l’émission, deux critiques furent adressées à l’article que j’ai rédigé sur la question, « Le bus rose, un fantasme islamiste de la ségrégation sexuelle ».

        

       L’existence de la misère sexuelle

         La première critique me fut adressée par le psychiatre. Selon lui, on ne peut pas expliquer le frottement sexuel (pratiqué par des hommes contre des femmes dans des bus bondés à des fins de jouissance sexuelle) ne peut pas être expliqué par la misère sexuelle des frotteurs sexuels. Selon lui, tout simplement, il n’existe pas de misère sexuelle au Maroc. Pour argumenter cette opinion, il ne mentionne aucune étude sur la question sexuelle au Maroc. Le psychiatre cite seulement deux cas non issus de sa pratique clinique. Le premier, celui de la possibilité pour un couple non conjugal de prendre deux chambres d’hôtel et de se retrouver dans l’une d’elles pour avoir des rapports sexuels. Le deuxième cas, celui d’un couple lors d’un rapport sexuel dans un garage public en position debout (couple que le psychiatre a vu par hasard).

         Ces deux cas constituent-ils une preuve recevable de l’inexistence de la misère sexuelle au Maroc ? Ne sont-ils pas au contraire des preuves de son existence ?

         Primo, combien de gens, et combien de jeunes surtout, peuvent-ils payer deux chambres d’hôtel afin d’avoir des rapports sexuels et de contourner ainsi un code pénal répressif ? Une très infime minorité non statistiquement significative. Et c’est déjà une misère sexuelle en soi que de devoir ruser avec une loi qui empêche de jouir d’un droit humain fondamental, le droit au plaisir sexuel.

         Deuxio, le couple du garage sait qu’il encourt des risques divers à cause de ce rapport sexuel dans un lieu public, et cela même si le couple en question est légal (conjugal). Il est très probable que ce n’est pas la recherche de l’originalité qui est derrière le choix de ce lieu, mais plutôt l’inaccessibilité d’un lieu adéquat, un lieu sûr, protecteur. Avoir un rapport sexuel dans un garage est un bel exemple de bricolage spatio-sexuel, c'est-à-dire du n’importe où, du n’importe comment, avec n’importe qui… Ce bricolage est justement la preuve de la misère sexuelle, l’indicateur d’un désir sexuel qui ne peut pas se satisfaire dans des conditions dignes d’un citoyen jouissant de ses droits et liberté sexuels.

        

       La misère sexuelle comme déterminant social

         La deuxième critique me fut adressée par la journaliste française. Selon, elle le frottement sexuel masculin contre des femmes dans le bus ne peut pas être expliqué par la misère sexuelle des hommes. Selon elle, la misère sexuelle, également partagée par les femmes, ne conduit pas les femmes à se frotter contre les hommes dans les bus. La journaliste en conclut alors que ce n’est pas la misère sexuelle qui constitue le moteur du frottement sexuel masculin. Cette critique fut le mot de la fin de la journaliste (en fait ce n’était pas un mot de la fin !). L’émission était terminée et je n’ai pas eu le temps de développer une réponse contre cette argumentation par l’absurde.

En effet, peut-on imaginer des femmes marocaines sexuellement insatisfaites et frustrées se coller, se caler et se frotter contre des hommes dans un bus bondé afin d’avoir une détente sexuelle ? Sont-elles obligées de passer par là, à l’image des hommes, pour voler un bref moment de plaisir en public ? Est-il « techniquement » possible pour les femmes de jouir ainsi ? Si éjaculer contre le derrière d’une femme inconnue dans un bus bondé est possible pour les hommes, cela est beaucoup plus problématique chez les femmes : il faut imaginer une femme qui se colle de face contre un homme inconnu et se frotte contre son pénis. Est-ce imaginable pour une femme non racoleuse publique non travailleuse sexuelle ?

         La psychologie différentielle des sexes/genres nous apprend que le désir sexuel chez les femmes, de manière générale, exige pour se satisfaire une dose minimale de sentimentalité et de sécurité, choses irréalisables avec un inconnu dans un bus bondé. Mais indépendamment de la sentimentalité qui permet de museler la sexualité féminine, le système patriarcal marocain habilite les femmes à « draguer » plus facilement et de manière subtile. A séduire plus rapidement ces hommes transformés en chasseurs sexuels, vulnérables à tout appel féminin, vulnérables à cause de leur volonté de virilité et de domination. Il est donc évident que les femmes qui arrivent à assumer leur désir sexuel et à ne pas s’auto-culpabiliser, et qui sont en manque sexuel, n’ont pas besoin de se coller contre des hommes inconnus dans des bus bondés. Ce mode de recherche du plaisir sexuel est inefficient, inefficace. Car les hommes sont là, à l’affut du moindre signe féminin de séduction. Par conséquent, seuls les hommes soulagent leur tension sexuelle grâce au frottement sexuel dans des bus bondés contre des femmes non consentantes. Ce comportement sexo-spécifiquement masculin constitue une forme de violence sexuelle fondée sur le genre. Car nombreux sont les hommes qui n’arrivent pas à « draguer » ou à séduire, à accéder à un plaisir sexuel consenti et qui saisissent l’opportunité d’une proximité involontaire et impuissante d’un derrière féminin pour « tirer un coup » dans un bus, un coup rapide, mine de rien.

        

       Visages différentiels de la misère sexuelle

         La misère sexuelle peut aussi se retrouver dans des pays démocratiques et développés. Là, elle touche plus souvent les hommes des communautés discriminées, non suffisamment intégrés. Elle fait davantage encourir à ces hommes le risque d’être les auteurs de violences sexuelles sexistes en raison de leur sous-intégration sexuelle (cas de l’Allemagne). Quant au Japon, il est probablement le seul pays au monde où les hommes japonais eux-mêmes sont les frotteurs sexuels majoritaires. En effet, ces hommes se désintéressent en masse d’une sexualité libre et saine, c'est-à-dire d’une sexualité responsable qui exige l’effort, l’écoute et le partage. Le Japon est le pays du « sexless », le pays le plus mal classé en termes de performance  sexuelle : une moyenne de 48 rapports hétérosexuels par an. L’obligation de rendement maximal au travail conduit les hommes à une très grande fatigue, et par conséquent à refuser l’effort et l’écoute dans le rapport à la partenaire. Devoir bander et devoir satisfaire la partenaire sont devenues une charge lourde pour les hommes japonais. Ils n’ont plus ni l’envie ni la force de faire cet effort. Cela les conduit à préférer des sexualités solitaires et/ou pornographiques, et parfois des frottements sexuels contre des femmes non consentantes dans les moyens de transport publics. Ce sont là des sexualités misérables en un mot. Quant aux femmes japonaises frustrées elles font du tourisme sexuel (en Thaïlande par exemple).

        

   Le bus rose, un traitement symptomatique controversé

        

     La misère sexuelle est donc polymorphe et multi-contextuelle. Comme déterminant social, elle permet d’expliquer le sexuel par le sexuel. Elle conduit au frottement sexuel qui ne peut être traité par le transport public rose. Celui-ci n’est ni curatif ni préventif. Car combattre le frottement sexuel masculin par la ségrégation sexuelle dans les bus, c’est chercher à faire disparaître un seul symptôme d’une pathologie sociale plurielle. Le bus rose n’éradique ni les autres symptômes ni les causes de la misère sexuelle. C’est juste un traitement symptomatique dont l’efficacité est controversée. Quant à sa généralisation, elle est inconcevable dans toute société qui refuse la ségrégation sexuelle comme système social.

         Dans le cas du Maroc, la pathologie à combattre, c’est une forme aigue et radicale de la misère sexuelle, notamment parmi les jeunes et les célibataires, voire même au sein des couples mariés. Le plus urgent est de reconnaître à la jeunesse ses droits sexuels, reproductifs et habitationnels en tant que droits humains fondamentaux universels. Quant à la prohibition islamique des sexualités préconjugale, extraconjugale et homosexuelle, qu’elle cesse d’être une loi pénale, qu’elle devienne un choix personnel dans le cadre d’une foi privée. Privatiser la foi, c’est la libérer de l’hypocrisie, c’est en faire une foi authentique et sincère.

 

 

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31 décembre 2017 7 31 /12 /décembre /2017 18:45

 

            Quand et comment l’idée d’un bus rose est-elle apparue ? Dans quel contexte ? A-t-elle réussi ? Comment la signification de son adoption change d’un pays à un autre ?

           

            Made in Iran

           

            Le transport public réservé aux femmes est une création iranienne à l’origine, et ce au lendemain de la révolution islamiste. Je parle ici d’une révolution islamiste pour la distinguer de la révolution islamique accomplie par le Prophète Mohammed au VIIème siècle en Arabie. Cette précision est importante pour dire que la révolution islamiste iranienne est une contre-réforme, une volonté de retour à l’ère prémoderne en matière de ségrégation sexuelle. En effet, au nom de l’islam, les femmes libres (non esclaves) ont été obligées de porter le voile total dans l’espace public lors de leurs très rares sorties. Deux mondes parallèles coexistaient : celui des hommes qui monopolisaient l’espace extérieur public, celui des femmes qui restaient cloîtrées à la maison pour y accomplir les tâches reproductives.

            Pourquoi la révolution islamiste iranienne est-elle une contre-réforme ? Tout simplement parce qu’elle a rejeté la réforme de l’islam, réforme qui a justement appelé, entre autres, à l’émancipation des femmes. Le réformisme de la Renaissance (Nahda) a dès les années 1840 critiqué et rejeté le port du voile et la claustration des femmes dans l’espace domestique. Et c’est dans le cadre de l’édification de l’Etat national, suite au dépeçage de l’empire ottoman et de la fin du califat, que s’est faite l’irruption des femmes dans l’espace public, à travers leur scolarisation et leur intégration au marché de l’emploi.

            Ce premier sens de l’émancipation de la femme musulmane signifie la fin de la ségrégation sexuelle. Il a débouché sur la mixité sans voile dans l’espace public, dès les années 1920. Au lendemain de la défaite du panarabisme nassérien (juin 1967), suite au choc pétrolier qui a vu la propulsion du modèle passéiste des pays du Golfe comme nouveau modèle islamique grâce aux pétrodollars (ces pays n’ayant pas été touchés par le réformisme modernisateur réformiste de la Nahda), mais surtout suite à la révolution iranienne, l’islamisme « triomphant » a alors réinstauré le port du voile et la ségrégation sexuelle. Et cela sur la base de certains versets et hadiths, instrumentés dans leur sens littéral et sans aucune considération pour leur contexte social et historique.

            C’est là que la réservation des derniers wagons du train aux femmes a fait son apparition en Iran. Là les femmes iraniennes ont été obligées de prendre ces trains. Elles n’avaient pas le choix entre les wagons roses et les wagons mixtes : ce n’est pas l’évitement du harcèlement sexuel qui était le moteur de cette ségrégation. Selon, l’islamisme iranien, il faut séparer les sexes, au nom de l’islam, par principe. On ne trouve ce principe de ségrégation sexuelle dans aucune autre religion. Cette décision indique donc une contre-réforme, une marche arrière par rapport à l’émancipation de la femme iranienne réalisée sous le régime modernisateur du Shah.      Ne pouvant pas faire marche arrière quant à l’intégration des femmes dans l’éducation et l’emploi, mais ne pouvant pas non plus maintenir une mixité sans frontières dans l’espace public pour des raisons idéologiques (religieuses), la solution adoptée par le pouvoir islamiste iranien a été de concilier entre le maintien de la mixité moderne dans l’espace public (pour des raisons éco-développementalistes) et l’éthique sexuelle musulmane ségrégationniste (pour des raisons idéologiques et politiques). Puis, après la première mesure des derniers wagons du train réservés aux femmes, les autorités iraniennes ont dès 2006 étendu la ségrégation aux bus et aux taxis, en incriminant les femmes de ne pas se voiler correctement et d’être à l’origine des agressions (dont elles sont victimes). Par conséquent, le bus rose est incontestablement une innovation islamiste fabriquée en Iran.

 

            Une expansion islamique très limitée

 

         Rares sont les pays musulmans qui ont adopté la solution du bus rose pour endiguer le frottement sexuel.

            En Egypte, des transports en commun ont été réservés aux femmes en 2007 pour les protéger du frottement sexuel. Mais les femmes se plaignent du fait que les bus roses soient de mauvaise qualité et souvent sans places assises. De plus, les hommes égyptiens n’hésitent pas à braver l’interdit et à emprunter ces bus roses.

            En Indonésie, à Jakarta, des rames de métro réservées aux femmes ont été mises en place en 2012. Mais ces rames n’ont pas été utilisées par les femmes. Aussi cette solution rose n’y a-t-elle duré que 7 mois. En Turquie, l’expérience est très récente, et très limitée. Dans la seule ville de Matalya, des bus spéciaux ont été mis en 2017 à la disposition des femmes, mais pour l'instant, ils ne peuvent transporter que 1000 personnes.

 

            Quelques rares pays non musulmans adoptent le bus rose

           

            Des pays comme l’Allemagne (en 2000), le Japon (en 2000), le Mexique (en 2000), le Brésil (en 2006), l’Inde (en 2009) et la Thaïlande (en 2014) ont adopté l’innovation islamiste du moyen de transport rose. En Allemagne, on peut se demander si ce n’est pas la présence d’une forte émigration d’origine extra-européenne peu intégrée qui explique l’adoption très localisée des transports roses. Au Japon et au Mexique, la décision a été bien acceptée par la population. Dans ces deux pays, les hommes ne se sentent pas en mesure de s’autocontrôler dans le bus ou dans les rames de métro ou les wagons de train. Ils auraient besoin d’être protégés d’une proximité corporelle très grande avec les corps féminins. Au Brésil, à Rio de Janeiro, la population a été hostile et les moyens ne sont pas adéquats. Le nombre des bus n’est pas suffisant. Il en est de même des vigiles. Leur nombre ne suffit pas pour contrôler ou pour protéger les femmes qui protestent car les hommes violent souvent l’interdit d’emprunter ces moyens de transport réservés. Il en est de même dans les grandes villes de l’Inde où les agents déployés ne sont pas assez nombreux. L’expérience thaïlandaise n’est pas encore évaluée.

 

            Le bus rose : entre ségrégationnisme et bricolage

           

            Il apparaît donc clairement que ce ne sont pas les pays démocratiques qui ont créé l’idée de moyens de transport réservés aux femmes. C’est l’Iran, le pays de la révolution islamiste, qui a initié l’idée et qui l’a implémentée. Et cela en respect de l’islam, la seule religion qui impose aux femmes le port d’un voile partiel ou total, et à laquelle l’islamisme radical non infiltré par les valeurs de la modernité fait dire que la ségrégation sexuelle est le meilleur moyen d’organiser la société. C’est pour cela qu’on est en droit de se demander si le projet du bus rose n’est pas, pour la mairie de Rabat, une simple tactique dans une stratégie radicale (à long terme) de ségrégation sexuelle et d’inégalité de genre. La décision/projet de la mairie de Rabat vient à peine quelques mois après les bus roses de Matalya en Turquie. Certes, ces décisions locales n’impliquent pas le législateur et les pouvoirs publics, mais l’évolution d’Erdogan vers un système présidentiel autoritariste laisse prévoir une remise en cause de la laïcité turque. Or sans laïcité, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas un acquis définitif et laisse la porte plus ouverte à toutes les dérives et à toutes les violences institutionnelles à l’égard des femmes. De plus, on peut craindre que le projet du maire de Rabat ne se réfère et ne reflète le ségrégationnisme sexuel de son parti lors de ses congrès : deux files distinctes pour accéder au lieu du congrès, l’une masculine et l’autre féminine, et puis les femmes d’un côté et les hommes de l’autre lors des travaux du congrès. Plus important encore, le principe de l’égalité de genre est absent dans la doctrine et la littérature du parti, remplacé par ceux de l’équité, de la justice et de la complémentarité, autrement dit par des principes de la différence inégalitaire. Certes, le parti du maire est, en tant que membre du gouvernement, obligé d’employer la notion d’égalité de genre (eu égard aux engagements internationaux du Maroc) et de poursuivre la lutte contre la violence à l’égard des femmes, mais on peut se demander s’il ne le fait pas à contrecœur parce qu’il ne monopolise pas le pouvoir.

            Par ailleurs, l’importation du transport rose iranien par quelques pays rares pays non musulmans est l’importation d’une simple technique de protection des femmes, mais au sein d’une véritable politique d’égalité de genre et de libération des femmes. Cela oblige de distinguer entre le bus rose comme simple bricolage passager et le bus rose comme idéologie ségrégationniste stratégique.

            D’où ma question finale : le bus rose de Rabat est-il un simple bricolage pour contrer le frottement sexuel, cette forme du bricolage spatio-sexuel dont se servent les misérables (sexuels) pour avoir une détente (misérable) ? Le bus rose est-il au contraire l’indicateur d’une stratégie sexuelle ségrégationniste d’un véritable islamisme radical qui doit exercer une autocensure machiavélique (taqia) et se contenter de bricoler pour le moment ?

 

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30 décembre 2017 6 30 /12 /décembre /2017 11:21

        

         Pour empêcher des hommes de se frotter contre des femmes dans des bus bondés (une forme de violence sexuelle fondée sur le genre), la solution la plus simple, la plus rapide, réside, selon la mairie islamiste de Rabat, dans la création de bus roses réservés aux femmes seulement. Une fois ces bus disponibles, les femmes seront les responsables principales du risque de frottement sexuel si elles choisissent de monter dans un bus mixte. C’est donc une tactique servant à obliger progressivement toutes les femmes à monter dans le bus rose. Celles qui ne le prendraient pas seront pointées du doigt. Et on arrivera en fin de compte au fait que les bus mixtes ne seront pris que par les hommes. C’est cela la stratégie ségrégationniste qui encadre le programme du bus rose. Le bus rose ne peut donc être considéré comme une discrimination positive, une action affirmative servant une stratégie féministe servant la libération des femmes et l’égalité de genre. Comment les femmes peuvent-elles se libérer loin des hommes, sans les hommes ? Et de quel droit va-t-on interdire aux hommes de monter dans un bus réservé à des femmes ? L’espace du bus ne fait-il pas partie de l’espace public, accessible à tous par définition, sans discrimination de genre ? Une telle mesure serait anticonstitutionnelle en dernière analyse.

        

         Une illustration du « féminisme » islamiste

           

           Bien entendu, l’islam modernisé sous la forme d’un islamisme intégré « politiquement correct » ne peut pas défendre explicitement la ségrégation sexuelle comme système social. La claustration des femmes dans des logements sans balcons et sans fenêtres donnant sur la rue, leurs sorties minimales dans l’espace public, leurs sorties contrôlées par les hommes de la famille, leurs sorties anonymes grâce à un voilement total de leur corps, ce corps source du chaos, ce corps subversif à cacher, tout cela est devenu aujourd’hui irréaliste et irréalisable… C’était le lot des femmes « libres » dans les cités islamiques jusqu’au début du XXème siècle. Seules les femmes non libres et de basse condition, les esclaves et les prostituées en l’occurrence, étaient libres de sortir librement sans voile, et de fréquenter librement des hommes pour un échange économico-sexuel. Par conséquent, le bus rose représente un retour timide et honteux à une pensée islamique sexuellement ségrégationniste sous le prétexte de protéger les femmes du frottement sexuel. Pour le moment, c’est le seul retour possible à la ségrégation sexuelle au Maroc. Mais c’est aussi une illustration pratique de ce qu’est le « féminisme » islamiste, cette idéologie qui consiste à dire que l’islam a été et reste encore le meilleur rempart pour protéger les femmes et leurs droits.

            Il y a de fortes chances que le bus rose plaise à la majorité des femmes populaires et à celles de classes moyennes inférieures. Non seulement ces femmes n’ont pas les moyens de prendre des taxis et encore moins d’avoir une voiture, pire, elles ne sont pas habilitées, intellectuellement, à déceler dans le bus rose, une violation d’un de leurs droits civiques fondamentaux : consommer l’espace public en étant respectées comme citoyennes, le consommer sans devoir être ségréguées, parquées dans un bus spécial. Pour ces femmes endoctrinées et aliénées par/dans une compréhension formaliste et simpliste de l’islam, le bus spécial apporte une solution islamique rapide : il les délivre du risque de frottement sexuel dont elles sont victimes en les isolant. Le bus joue le rôle d’un rideau de fer. Au lieu de banaliser et de normaliser une mixité sexuelle non violente, le bus rose fera exactement l’inverse : il consolidera la perception sexuelle du corps féminin par les hommes, sa chosification et l’exacerbation de sa désirabilité en dernière analyse

           

            Quid du frottement sexuel entre femmes ?

           

            Rappelons que l’espace du bus n’est pas comparable à l’espace du hammam où la ségrégation sexuelle est plausible dans la mesure où les usagers de ce dernier s’y livrent à des pratiques de soins intimes et à des ablutions rituelles qui exigent parfois la nudité totale. Cette nudité au hammam est condamnée par les foqaha au nom de la Shari’a, et cela même entre femmes. Le droit musulman interdit formellement à une femme de voir les parties intimes d’une autre femme. Il en est de même des hommes. La promiscuité hammamique féminine tant décriée par les foqaha ne risque-t-elle pas de se reproduire dans le « bus rose » ? Si ce bus permet d’éviter le frottement sexuel exercé par des hommes contre des femmes, protégera-t-il les femmes du risque d’être sexuellement frottées par des femmes ? La ségrégation du bus rose risque donc d’entraîner une violence sexuelle intra-genre, entre femmes. Et pire, dans la logique islamico-islamiste, de réveiller une orientation sexuelle lesbienne inconsciente et de conduire à des relations lesbiennes consenties. Or celles-ci aussi sont fortement condamnées par le droit musulman.

           

            Le bus rose, une réponse qui ne traite pas de la causalité

           

            Envisager un bus rose comme réponse au phénomène du frottement sexuel, c’est en fait ne pas s’attaquer aux causes du frottement sexuel, c’est les ignorer sciemment. Or toute solution proposée par le décideur public doit se baser sur un diagnostic sociologique qui identifie les causes du phénomène, et son ampleur. Le frottement sexuel fondé sur le genre atteint-il une fréquence assez grande pour devenir un phénomène social ? Si oui, quelles en sont les causes véritables ? Et si oui, quand et pourquoi est-il apparu ? Dans quelle mesure augmente-t-il avec le temps ? Seule la réponse à ces questions permettra d’identifier les solutions réelles et adéquates. Sans ce diagnostic sociologique préalable, on est en droit de se demander si le projet du bus rose n’est pas une simple reprise de l’idée d’Abbassi Madani (leader du FIS de la décennie noire algérienne), et plus probablement une imitation/importation de chez le « frère » PJD turc. Sur la base d’une sociologie islamiste spontanée, naïve et populiste, cette « solution » est un coup de pub pour le parti islamiste, une manière de recruter de nouveaux électeurs et/ou membres émerveillés par l’intentionnalité islamique du bus rose. L’absence d’une vigilance intellectuelle, d’un manque de conscience féministe véritable  et d’une analyse de genre rigoureuse conduit les masses populaires à tomber facilement dans les rets de la réponse populiste, :  le bus islamique, c’est la solution.

 

            Le frottement sexuel dans le bus : un bricolage spatio-sexuel

           

            Qu’est-ce qui pousse un homme à se frotter contre une femme dans un bus bondé et à y éprouver du plaisir ? Qu’est-ce qui explique ce bricolage spatio-sexuel, notion que j’ai établie dans mon livre « Jeunesse, sida et islam au Maroc » (2000). Tout simplement la « misère sexuelle », cette autre notion que j’ai établie dans un de mes autres, « Logement, sexualité et islamisme » (1995). L’hypothèse par ce livre fait de la misère sexuelle un facteur à prendre en considération dans le basculement des masses urbaines dans l’islamisme, et surtout dans le terrorisme, sexuel aussi. En d’autres termes, c’est soit l’absence totale de rapports sexuels soit des rapports sexuels bricolés (n’importe quand, n’importe où, n’importe comment, avec n’importe qui) qui explique qu’un homme se frotte contre une femme dans un bus. Ce frottement sexuel misérable ne peut être considéré comme perversion que si l’homme le préfère à un rapport sexuel adéquat dans un lieu adéquat avec un partenaire adéquat. Si non, le frottement sexuel est une action « normale » d’un homme « normal » qui vit une situation anormale. Une situation socioéconomique et juridique qui lui impose une situation sexuelle anormale, une situation qui l’empêche d’accéder et d’exercer son droit (humain) fondamental au plaisir sexuel. Le frottement sexuel ne peut être assimilé à la perversion masturbatoire que dans la mesure où il ne peut déboucher sur une fécondation. Rappelons ici que la perversion est, selon Freud, un rencontre érogène stérile par définition parce qu’elle est rencontre entre un organe géniteur et un organe non géniteur. Dans le cas du frottement sexuel, c’est la rencontre entre un pénis et un « derrière » féminin. Rencontre inféconde par définition (même sans habits). C’est dans ce sens seul que le frottement sexuel dans le bus est une perversion. Mais ici, ce frottement est une substitution palliative à un rapport sexuel adéquat impossible pour des raisons non psychologiques. Il n’est donc pas une perversion parce qu’il n’est pas le négatif d’une névrose.

           

            Quelles thérapies contre le frottement sexuel ?

           

     Face à ce frottement sexuel anormal/normal, face à ce bricolage spatio-sexuel/perversion, quelles solutions véritables proposer ?

            Au niveau national et à court terme, sévir pénalement contre les frotteurs sexuels, établir et mettre en application une loi spéciale qui punit sévèrement toutes les formes de violence sexuelle fondée sur le genre, et qui simplifie le mode de preuve. Cette loi doit avoir l’aval des associations féministes les plus actives et les plus représentatives du féminisme marocain.

            Au niveau régional-local, et dans le cadre du « Plan de Régionalisation Avancée » (Constitution 2011) qui prévoit l’intégration d’une approche genre structurelle et structurante, les mairies des grandes villes doivent mettre à la disposition de leur population plus de bus, des bus ponctuels. C’est là la manière la plus simple et la plus rapide d’avoir des bus moins bondés, c’est à dire avec moins de risque de « touchers » sordides entre les passagers. Que les mairies rappellent qu’il y a une distance physique minimale à respecter entre les corps, celle des frontières de l’espace territorial du corps. Que les bus roses qui vont enrichir le parc du transport urbain soient également mixtes et suffisamment nombreux pour empêcher la promiscuité des corps féminin-masculin, féminin-féminin, masculin-masculin. A moins qu’il ne s’agisse que de choisir certains bus déjà en service, de les peindre en rose et de les consacrer aux femmes. Les bus mixtes restant seront plus bondés et comporteront un risque accru de frottement sexuel.

            A court-moyen terme, que les mairies incitent la femme à ne pas rester silencieuse face à un frottement sexuel. L’inciter à protester, à dénoncer, à pointer du doigt le frotteur sexuel en flagrant délit. Et en même temps, inciter les passagers-hommes du bus à ne pas avoir de réflexe machiste et misogyne complice, lequel réflexe est renforcé par le mariage contemporain entre la misère sexuelle et l’idéologie intégriste. L’enjeu est d’inciter les hommes à défendre la femme frottée, à agir comme des citoyens au secours d’une citoyenne. Et à devenir des hommes véritables qui refusent toute forme de violence à l’égard de la femme. A cesser d’être les exécutants mécaniques bénéficiaires d’un système patriarcal inique et injuste.

            Toujours à court-moyen terme, que les mairies inculquent une conviction féministe véritable aux femmes. Certes, les projets de développement pour l’autonomisation des femmes, initiés par les associations représentatives du féminisme marocain telles que l’UAF, l’ADFM, la LDDF et Joussour sont importants, utiles et nécessaires. Il faut que ces projets soient accompagnés et soutenus par les mairies. Mais ces projets à eux seuls et en tant que tels, ne suffisent pas à donner automatiquement aux femmes une pleine conscience de leurs droits, à les transformer en militantes dans leur vie quotidienne de femmes.

            Toujours à moyen terme, et au niveau national, lutter contre la misère sexuelle, en tant que facteur déterminant du bricolage spatio-sexuel, car cette misère nuit à la santé sexuelle nationale, et à la santé publique tout court. Dans ce sens, et comme je le demande en tant qu’intellectuel depuis 2007, il faut commencer par supprimer du code pénal les articles 489 (contre l’homosexualité masculine et féminine), 490 (contre la débauche définie comme acte hétérosexuel entre deux personnes célibataires) et 491 (contre l’adultère). Il faut cesser de pénaliser une relation sexuelle consentie entre deux adultes. Même dans le cas de de l’adultère, la sanction ne doit plus être pénale, mais uniquement civile, et seulement en cas de plainte déposée par le conjoint trompé.

            Au niveau local, et dans le même sens, habiliter les jeunes à avoir une sexualité plus adéquate en pensant à eux dans les programmes de logements urbains. Rappelons à ce sujet que la politique publique immobilière ne prend pas en compte le besoin d’autonomie habitationnelle des jeunes : le pourcentage des ménages d’une personne est très faible et tend de plus en plus à se rétrécir. L’autonomie par et dans le logement est le socle de la naissance de l’individu, c’est à dire du citoyen conscient de ses devoirs et de ses limites parce que jouissant de ses droits fondamentaux et de ses libertés, sexuelle et religieuse.

 

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26 décembre 2017 2 26 /12 /décembre /2017 19:00

 

In Abdessamad Dialmy : Jeunesse, sida et islam, Casablanca, EDDIF, 1997/2000, pp. 142-148.

 

Au Maroc, la lecture suppose un choix, une décision et un effort, mais d’abord une scolarisation réelle générale et ensuite la perception du livre comme loisir et comme source de culture générale. Cette perception de la lecture est justement absente comme nous l’avons souligné plus haut, et le rapport au livre reste un rapport pragmatique d’utilité immédiate. Un collégien fassi exprime l’assujettissement de la lecture à ce paradigme utilitariste : « pourvu que je m’en sorte rien qu’avec mes cours... quant à lire les livres qui n’ont pas d’intérêt, les livres du sexe... ». L’acte de lire s’efface alors devant la marée de l’audiovisuel qui s’impose de lui-même par le peu d’effort et de moyens qu’il exige. Se mettre devant un écran de télévision ou de cinéma est par ailleurs vécu comme un véritable loisir. La société marocaine retrouve grâce à l’expansion de l’écran son oralité de base, la lecture restant en conséquence associée au scolaire, à l’ennui, pratiquée par une élite intellectuelle très réduite.

L’écran devient le principal canal de réception de la culture sexuelle internationale par le jeune marocain. Selon le CNJA[1], 70 % de jeunes citadins occupent leur temps libre à regarder la télévision.

Grâce au cinéma et aux chaînes de télévision étrangères, le jeune marocain opère un désenclavement[2] par rapport à la communauté. Le visionnement des films érotiques et / ou pornographiques, relativement accessible, permet en effet au jeune d’accomplir une rupture avec les valeurs traditionnelles en matière de sexualité. Ces valeurs sont considérées par un éducateur, un médecin en l’occurrence, comme opposées à la médiatisation du sexe. « Pour nous, société arabo-musulmane, estime-t-il, c’est choquant de transmettre tout ça (contenu de l’acte sexuel) par l’intermédiaire des mass media... la parabole, ça ne rentre pas dans une stratégie d’éducation sexuelle qui est nôtre, ça nous est imposé... Dans un Etat musulman, on ne peut pas en parler clairement... sauf dans le prêche du Vendredi ou dans « roukn al moufti ». Dans le foyer marocain, il est encore inconcevable qu’un père regarde un film de sexe en présence de son fils, de sa fille, voire même de sa femme. La présence des parents empêche donc les jeunes de visionner ces films à leur aise.  Les parents restent les gardiens de l’éthique sexuelle close. Quand cela se fait à la maison, le jeune est obligé de ruser, le visionnement est clandestin comme le relate un collégien de Fès :

 

« Oui, j’ai regardé des films porno à la maison, grâce à la parabole... mais jamais à l’aise, il fallait que je sois seul à la maison, ou il fallait que je change de chaîne dès que quelqu’un entre au salon... jamais je n’ai visionné un film porno du début à la fin... des bribes seulement... surtout le vendredi soir sur les chaînes allemandes... j’ai peur que ma mère me surprenne... ces films sont haram et puis c’est honteux... je ne veux pas que ma mère change d’opinion sur moi, elle me voit comme un garçon strict et sage... et puis j’ai peur qu’elle le dise à mon père ».

Le visionnement de ces films en famille est en effet un phénomène uniquement occidental, spécialement pour les familles hollandaise, comme le souligne un interviewé (garçon marocain émigré). Les membres de la même famille regardent ce genre de films ensemble, sans aucune observance des frontières sexuelles ou générationnelles. Mais indépendamment de son visionnement familial, un débat a lieu au Royaume-Uni, selon B. Spencer « pour déterminer si les chaînes de télévision par satellite consacrées à des émissions érotico-pornographiques ne devraient pas être interdites »[3]. Au Maroc, voir un film de sexe est donc un acte vécu sur le mode de la culpabilité qui se fait au nom de l’autre face de soi, cette face que l’on tient cachée aux proches. Visionner de tels films n’est pas respectable. Pour contourner la censure parentale, le visionnement comportant des scènes sexuelles se fait essentiellement dans les cafés et dans les salles de cinéma, dans des lieux publics, loin de la sacralité du foyer parental. Cafés et cinémas sont considérés ici non comme des lieux de socialité et de loisir culturel, mais comme des endroits sordides et profanes où meurent les limites et les frontières.

 La frontière de l’âge est l’une de ces frontières qui sont abolies lors du visionnement des films de sexe dans les cafés et les cinémas. De nombreux jeunes Marocains affirment que, dans les salles de cinéma et dans les cafés, les garçons de 7 ans assistent à aux même scènes érotiques malgré l’interdiction officielle. Dans les cafés, cette transgression de la loi, courante en général, crée une socialité intergénérationnelle inédite. Enfants, adolescents et adultes consomment les mêmes scènes érotiques, mettant ainsi fin à la frontière générationnelle. Tout adulte était objectivement assimilé à un parent et était respecté à ce titre, chose à laquelle met fin le visionnement intergénérationnel de ces « films de sexe ».

La frontière sexuelle semble mieux résister que la frontière générationnelle. En effet, pour les jeunes filles, le visionnement de ces films est une chose plus difficile dans des lieux publics comme le cinéma. Et indépendamment de ces films, les salles de cinéma restent davantage fréquentées par les hommes[4]. Le cinéma serait pour les filles un lieu de perversion des moeurs, et « la sortie au cinéma se présente comme une sortie clandestine »[5]. A fortiori, quand il s’agit d’un film de sexe, la fille est davantage inhibée. « Je voulais entrer au cinéma avec des amies pour voir un film de sexe... raconte une étudiante en droit... à la fin, nous avons renoncé, le ciné est surtout plein de clochards et de voyous... tu ne trouves qu’une ou deux filles avec leurs petits copains... nous avons eu peur... ». Entrer au cinéma pour des filles sans être « gardées » par des mâles pour voir un film de sexe n’est pas un acte neutre et anodin, ni pour les filles elles-mêmes, ni pour les spectateurs mâles qui se trouvent dans la salle. Cet acte est perçu comme l’indice d’un appel, d’une prédisposition des filles au commerce sexuel. Quant aux cafés, malgré la tendance générale à leur des-sexualisation, les cafés où l’on visionne des films de sexe ou des matchs de football sont fréquentés uniquement par les hommes. La mixité trouve là une limite encore indépassée. L’apparition de cafés réservés aux femmes est un phénomène encore absent. En conséquence, le visionnement des films de sexe pour la jeune fille peut se faire soit clandestinement dans le logement familial, soit à l’aise chez un petit ami disposant d’un appartement de célibataire. Cela suppose bien entendu l’existence d’un dialogue sexuel assez avancé entre les deux partenaires.

Le visionnement des films de sexe ne signifie pas l’acquisition d’une culture cinématographique. Les jeunes ne font attention ni au nom du metteur en scène ni à celui des acteurs principaux. Ils ne retiennent même pas le titre du film visionné et ne peuvent pas résumer le film.

 

« Les films porno, oui j’en ai vu plusieurs... Les titres ? je n’y fais jamais attention... on s’en fout... l’important, c’est de voir des scènes érotiques... Il suffit que le nu apparaisse sur l’affiche pour qu’on entre voir... On ne sait même pas de quoi parle le film » (lycéen à Fès).

Pour les jeunes, ce qui importe dans ces films, c’est la « culture » sexuelle qu’ils contiennent. Pour eux, ces films constituent une initiation avec démonstration aux choses du sexe. C’est objectivement un outil pédagogique. Les jeunes garçons disent qu’ils apprennent à embrasser, à faire l’amour, à changer les positions sexuelles. Grâce à ces films, ils découvrent la sexualité orale. Les jeunes qui défendent ce point de vue se plaignent que personne ne leur parle de ces choses, et ces films viennent naturellement répondre à un besoin et combler une lacune importante dans leur éducation. L’ouvrier marocain de Wupertal que nous avons interviewé témoigne dans ce sens : « en toute franchise, je préfère le sex aux manières normales... l e sex, c’est ce que je vois sur les chaînes allemandes... sincèrement, j’ai beaucoup appris... toutes les poses, le cunnilingus, la fellation... ».

Les jeunes filles du Maroc, en général timides et réservées, expriment également des besoins en matière d’éducation sexuelle dans son aspect érotique. « Il nous manque une culture sexuelle véritable », clame une étudiante en droit. Les jeunes filles « justifient » leur visionnement des films de sexe par la nécessité d’apprendre à se comporter sexuellement avec le mari. Ainsi, la fonction pédagogique des films de sexe est de nouveau affirmée également par les filles qui expriment par-là la nécessité pour elles d’avoir une culture sexuelle théorique avant le mariage. Il nous semble que l’expression d’une telle revendication marque une évolution incontestable chez la jeune fille marocaine.

La fonction pédagogique du film de sexe est également affirmée par les jeunes marocains résidant à l’étranger. Un vendeur de journaux à Lille le dit sans ambages : « c’est grâce à la télévision que j’ai appris le sexe, en France, pas au Maroc ». Là, le visionnement pédagogique du pornographique se fait principalement dans les salles de cinéma, parce que la télévision reste contrôlée par la famille. Les pères marocains émigrés sont d’excellents zappeurs lors d’un flirt par exemple. Parfois, ils vont jusqu’à prohiber la télévision à leurs enfants en raison de la publicité sexuelle.

En conclusion, on peut affirmer que le visionnement des films de sexe constitue un instrument d’éducation sexuelle, un substitut à la défaillance des structures éducatives marocaines. L’écran tend à devenir le maître initiateur de la jeunesse marocaine en matière de sexe. L’intérêt suscité par ces films ne peut être compris comme la manifestation d’un voyeurisme pervers ou comme l’indice du recul du sens moral et religieux car le rôle de l’écran dans la formation sexuelle de la jeunesse marocaine ne se réduit pas à la transmission du contenu érotique. Toute l’information relative aux MST-SIDA vient également par le biais de ce canal. Au niveau de l’audiovisuel, l’Etat marocain s’engage en effet très peu : « grâce à une chaîne allemande, j’ai pu connaître les modes de transmission du SIDA », avoue un mécanicien à Nador. Certes, quelques émissions télévisées sur le SIDA ont été diffusées par la chaîne privée 2M. Leur rareté fait que les gens s’en souviennent. Il y a même des jeunes marocains qui n’ont jamais entendu parler de SIDA au Maroc. C’est leur émigration en Europe qui leur fait découvrir médiatiquement le SIDA. L’islam officiel du Maroc se dresse comme un obstacle devant la reconnaissance publique de l’existence du SIDA, car, selon cet islam, dire que le SIDA existe, c’est reconnaître l’existence de la débauche, sexualité illégale et/ou perverse.

 

 

[1] Conseil National de la Jeunesse et de l’Avenir (CNJA) : Enquête nationale auprès des jeunes en 1993. Activités socio-culturelles des jeunes, Ed CNJA, Rabat, 1994, p. 4.

[2] M. Bennani-Chraïbi : Soumis et rebelles, les jeunes au Maroc, Casablanca, Le Fennec, 1996, pp. 36-43.

[3] B. Spencer : « Contexte normatif du comportement sexuel et choix des stratégies de prévention », Sexualité et Sciences Sociales, Population, 48 ème année, Sept. Oct. 1993, numéro 5, p. 1431.

[4] D. Jaïdi : Publics et cinéma au Maroc, Rabat, Ed Al Majal, 1992.

[5] M. Mellakh : Les lycéens et la socialisation au Maroc, Thèse de de doctorat en sociologie, Université d’Aix-Marseille I, 1997, p. 228.

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19 décembre 2017 2 19 /12 /décembre /2017 20:10

            Malgré les efforts louables fournis par les acteurs institutionnels et associatifs marocains en vue de réaliser l’égalité de genre (hommes/femmes) en matière de droits, le chemin est encore long. Beaucoup de difficultés structurelles et d’énormes résistances idéologiques s’opposent à l’acceptation de principe et à la mise en pratique de l’égalité de genre.

            Parmi ces écueils, une masculinité patriarcale dominante qui ne se remet pas en cause et qui refuse de renoncer à ses pouvoirs et à ses privilèges. L’enjeu est alors de procéder à une critique de la masculinité comme domination, à sa déconstruction comme domination, tant par le savoir que par l’action. Et cela en impliquant les hommes, en les ayant comme partenaires principaux dans ce processus de déconstruction. La tâche n’est pas aisée car cette domination est banalisée et normalisée tant par les hommes que par les femmes.

 

            Une domination masculine naturalisée et sacralisée        

            Pour les défenseurs de la domination masculine, cette domination trouve sa racine dans la biologie et dans la religion : le mâle est non seulement différent de la femelle, il lui serait supérieur en intelligence et en force, ce qui justifie sa domination et son pouvoir, consacrés par la religion (qiwama, daraja). La biologie du mâle prépare l’homme à un destin social supérieur. Ainsi l’homme est puissance (force physique, virilité, leadership), protection (raison, courage, défense de l’honneur), pourvoyance (travailleur, gagne-pain, entreteneur familial). En face, le sexe femelle est produit comme sexe faible, second genre et genre second, incapable de subvenir à ses propres besoins, non-autonomie, inapte à la prise de décision. Par conséquent, cette différence/supériorité biologique du mâle se transforme « naturellement » en inégalité de droits entre hommes et femmes. L’inégalité n’a donc pas à être justifiée, elle a seulement à être normalisée, banalisée, maintenue, et à reproduire par une violence masculine polymorphe et multi-contextuelle. La violence fondée sur le genre est polymorphe parce qu’elle est à la fois physique, psychologique, sexuelle, économique, institutionnelle et théologique. Elle est également multi-contextuelle parce qu’elle s’exerce dans tous les espaces publics et privés. La violence serait un droit de l’homme, une qualité de l’homme, l’instrument de son pouvoir, l’indicateur par excellence de sa masculinité.

            Le féminisme et son approche genre ont progressivement déconstruit ce mythe patriarcal fondé sur la prééminence du phallus. Action et savoirs féministes ont en effet remis en cause la puissance explicative (et justificative) du sexe biologique. Tous deux affirment que c’est la domination masculine comme donnée socio-historique qui a infériorisé la femme et qui a institué l’inégalité de genre. Du coup, c’est la mise en crise du paradigme de la masculinité comme domination naturelle qui se met en marche. Et cela a débouché aujourd’hui sur l’impératif universel de l’égalité de genre (en matière de droits) entre les femmes et les hommes. Fondamentalement différents certes, mais fondamentalement égaux.

 

            La masculinité : une catégorie in-interrogée par le féminisme marocain

    Malgré la percée victorieuse de l’action féministe au Maroc et malgré l’institutionnalisation de l’approche genre, la lutte pour l’égalité n’a pas encore vraiment produit une critique systématique de la masculinité. Celle-ci est restée invisible, à l’image des catégories dominantes. La critique féministe et l’approche genre se sont concentrées sur la structure patriarcale et sur ses actrices, les femmes, ces victimes de la structure. Elles ont négligé les acteurs, les hommes, ceux qui tirent pouvoirs et privilèges de la structure. Certes, les hommes ne sont pas l’ennemi principal des femmes, mais la domination que fait subir la structure patriarcale aux femmes passe par les hommes. Elle est exécutée de « bonne foi » par les hommes comme une tâche naturelle et légitime. Aussi est-il nécessaire aujourd’hui de sortir les hommes marocains de leur sommeil dogmatique aliénant afin de les impliquer dans la lutte contre la structure de la domination patriarcale. Si les hommes sont le chaînon central par lequel se manifeste le système patriarcal, leur transformation est nécessairement une partie centrale dans la solution du complexe patriarcal discriminatoire. Il faut donc s’atteler à la tâche de convaincre les hommes que la masculinité telle que définie par le patriarcat est une injustice (au détriment des femmes), et surtout une charge, une épreuve, une conquête fragile sans cesse menacée (au détriment des hommes). Devoir être puissant, protecteur et pourvoyeur n’est pas un défi facile à relever au quotidien. Et il n’est pas juste de monopoliser ces rôles, nobles certes, mais surtout dominateurs. D’une part ces rôles sont socialement construits et socialement pénibles, d’autre part ils sont de plus en plus partagés par les femmes d’aujourd’hui dans le Maroc d’aujourd’hui. Leur féminisation est la preuve manifeste qu’ils ne découlent pas d’une nature et/ou d’une essence masculine. De plus, le partage de ces rôles-tâches dans les champs de l’avoir, du savoir et du pouvoir est plus gratifiant que la division sexuelle du travail. Il est préférable pour l’homme véritable d’avoir une femme véritable, une partenaire égale avec laquelle il a un rapport véritable au lieu de cette relation d’assujettissement et de pouvoir. La dialectique du maître et de l’esclave n’a plus cours aujourd’hui. La question est donc d’habiliter les hommes à l’égalité et à la parité, et cela en orientant/réorientant le mâle vers une définition non hégémonique de la masculinité, vers une masculinité égalitaire.

           

            Revendiquer une parité dans l’espace domestique

            Si le féminisme marocain doit revendiquer l’externalisation du travail domestique et des tâches éducatives afin de libérer la femme de la « cuisine », il doit en même temps revendiquer la parité dans le travail domestique, les deux allant de pair. Mais comme l’externalisation des tâches du champ domestiques exige une habilitation économique des ménages et des services sociaux publics adéquats, il faut, en attendant, exiger que les hommes fassent un certain nombre d’heures de travail domestique (pour commencer), et que cela soit réglementé dans le « Code de la Famille ». Car pour que la parité soit réussie dans l’espace public, il faut qu’elle ait son pendant dans l’espace privé. Féminiser l’espace public et revendiquer la parité dans l’accès aux postes de pouvoir et de décision est un processus qui ne peut aboutir sans la participation systématique, obligatoire et réglementée des hommes au travail domestique. La conciliation entre vie familiale et vie professionnelle est un défi qui doit être également relevé par les hommes. Il s’agit de déféminiser ce défi, de le masculiniser. Pour cela, une révolution des normes de genre est à accomplir. Les femmes ont déjà fait des pas importants en matière de parité en montrant qu’elles sont capables de participer, de gérer et de décider dans les espaces professionnels. Ce sont donc les hommes marocains qui sont en retard, n’ayant pas encore fait leurs preuves dans le partage du des tâches reproductives de l’espace privé. Pour cela, ils doivent interroger la masculinité, la mettre en crise, refuser son acception patriarcale.

 

            Indicateurs de la résistance des hommes à l’égalité

            D’une part, certains indicateurs font de l’apparition d’une nouvelle masculinité une tendance minoritaire et marginale, balbutiante. Ces indicateurs sont :

            1- la faiblesse du pourcentage des femmes financièrement indépendantes ;

            2- la faiblesse du pourcentage des hommes qui dépendent financièrement des femmes ;

            3- la faiblesse du pourcentage des femmes qui acceptent de voir les hommes partager les tâches reproductives de l’espace privé, victimes qu’elle sont d’une aliénation qui les pousse à considérer ces tâches comme démasculinisantes ;

            4- la faiblesse du pourcentage des hommes qui reconnaissent la masculinité comme une charge lourde à porter malgré le fait qu’elle le soit ;

            5- la faible implication des hommes dans les associations féminines/féministes et leur faible adhésion au principe de l’égalité de genre par mésinterprétation et incompréhension, et par égoïsme structurel (peur de perdre des privilèges du seul fait d’être un mâle) ;

            6- la faiblesse des politiques publiques impliquant les garçons et les hommes dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et dans l’autonomisation des femmes ;

            7- l’absence de politiques publiques dont l’objectif est de remettre en cause la masculinité comme domination,

            D’autre part, d’autres indicateurs montrent que les hommes ont tendance à s’accrocher davantage à une masculinité dure, stricte. Le taux de chômage élevé des jeunes ainsi que la faiblesse grandissante du pouvoir d’entretien masculin font perdre aux hommes l’assise économique de leur domination patriarcale systémique. Face à cette perte, les hommes cherchent des refuges compensatoires.

            - Premier refuge de la masculinité : les hommes se tournent vers l’islam et font du sens littéral de certains de ses textes la justification ultime et indiscutable de leur supériorité et domination. Ceci est particulièrement vrai au sein des masses masculines illettrées et vulnérables qui sont plus sensibles à la lecture phallocratique des textes sacrés développée par certains foqaha, et à l’application stricte du sens littéral de certains de ces textes.

            - Deuxième refuge de la masculinité : la consommation d’aphrodisiaques pour mener une activité sexuelle intense et puissante servant à combler l’impuissance financière. En voulant maîtriser la femme par le sexe, le pénis est érigé en instrument de pouvoir.

            - Troisième refuge de la masculinité : le harassement sexuel dans l’espace public pour réaffirmer une masculinité qui se sent menacée par la montée des femmes dans cet espace. L’enjeu est de rappeler la femme à l’ordre (patriarcal), de lui signifier qu’elle est d’abord et surtout une femelle, juste un corps attirant, attisant. Ce faisant, la femme est chosifiée tandis que l’homme est érigé comme seul sujet de désir et seul acteur de pouvoir et de liberté (de circuler dans l’espace public). « Je me réapproprie et règne sur l’espace public, donc je suis homme », tel est le credo d’une masculinité acculée à se défendre par l’usage de la violence. Et de là l’indifférence complice des hommes devant le spectacle quotidien de la violence subie par les femmes.

            - Quatrième refuge de la masculinité : devenir un jihadiste courageux et intrépide qui se fait exploser et qui croit ainsi faire preuve d’une masculinité « héroïque ». Il ‘agit là d’une masculinité sexuellement frustrée (aussi) qui accomplit ainsi une émigration verticale clandestine au paradis pour retrouver les « houris » promises aux véritables croyants, aux martyres. Cet « héroïsme » viril se réalise également par l’enlèvement des femmes et leur mise en esclavage ou dans l’attirance exercée sur des jeunes femmes qui se portent volontaires au jihad par le sexe (jihad al nikah). En d’autres termes, en devenant terroriste, l’homme croit devenir le nouvel homme-modèle, celui qui ne recule pas devant la mort pour un idéal.

           

            Des hommes en transition

            En considérant l’ensemble de ces indicateurs, on peut conclure que l’homme marocain est en transition, balloté qu’il est entre le désir de garder sa suprématie au sein d’un système inégalitaire d’une part, et l’impératif de remettre en cause la définition patriarcale de la masculinité en raison des difficultés (économiques notamment) grandissantes qu’il a à exécuter sa suprématie d’autre part. En effet, les hommes marocains oscillent, soit entre des normes patriarcales et des pratiques égalitaires, soit entre des normes égalitaires et des pratiques patriarcales. Ce déchirement identitaire de la masculinité fait qu’elle ne peut ni rester purement patriarcale ni devenir complètement égalitaire. Un entre-deux transitionnel qui risque de durer longtemps en raison de la pression multifactorielle contradictoire décrite ci-dessus.

 

            Recommandations

            Pour œuvrer à l’accomplissement de la transition masculine, que l’homme transitionnel cesse d’être transitionnel, qu’il dépasse l’écartèlement, qu’il renonce à la domination et à toute forme de violence pour l’exercer, qu’il choisisse de devenir enfin un homme véritable qui accepte l’égalité hommes-femmes. En d’autres termes, l’enjeu est de combattre la résistance masculine à l’égalité.

            Pour accomplir cette transition, les recommandations suivantes sont à prendre en compte dans les politiques publiques et les activités associatives :

            1- Faire en sorte que le regard ne reste plus focalisé seulement sur les structures de la domination et sur ses victimes, les femmes, mais le diriger également vers les acteurs à la fois exécutifs et bénéficiaires de la domination, les hommes. En d’autres termes, il s’agit de faire de la question masculine une question sociale et/ou de santé publique, un débat public ouvert sur les pouvoirs et les privilèges masculins.

            2- Diagnostiquer de manière rigoureuse (grâce à des études) la prédisposition de l’homme marocain au changement en mesurant de manière précise les indicateurs de résistance. En d’autres termes, quels sont les champs dans lesquels la masculinité dominante résiste le plus ? Quels sont les facteurs les plus susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la résistance masculine à l’égalité et à la parité ?

            3- Démontrer la nécessité de fonder le champ des études masculines en tant que recherche-action, base première de politiques publiques au service d’une masculinité égalitaire. La masculinité ne doit plus rester une notion sacrée et taboue, non interrogée. Il est donc temps de soumettre la masculinité marocaine à la reddition des comptes.

            4- Faire travailler les hommes sur eux-mêmes et travailler avec eux afin qu’ils soient convaincus que la masculinité est une donnée culturelle susceptible de changer et d’être autrement conçue et exécutée. En d’autres termes, persuader les hommes de la nécessité de changer et créer en eux le besoin de savoir comment changer et comment apprendre à devenir des hommes égalitaires. L’enjeu est de promouvoir une réflexion individuelle et collective chez les hommes de tous âges et conditions, particulièrement chez les jeunes.

            5- Dispenser une éducation et formation en « Etudes masculines » au sein des écoles, des universités et parmi les travailleurs sociaux.

            6- S'engager publiquement pour l'élimination de toute forme de violence à l’égard des femmes, collaborer avec les centres anti-violence et d’écoute.

            7- Organiser des conférences et des colloques sur le thème de la masculinité égalitaire non violente dans les différentes régions du royaume.

            8- Produire et diffuser des documents écrits et audio-visuels servant à changer le regard social, institutionnel et associatif sur la masculinité.

            9- Impliquer les femmes dans la lutte contre les normes de genre inégalitaires responsables de la masculinité inégalitaire

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14 octobre 2017 6 14 /10 /octobre /2017 11:57

 

 

Abdessamad Dialmy

 

Des islamistes contre le « mariage par fatiha » !

 

Aux yeux de la Shari’a, « le mariage fatiha » est légitime. Pour les Sunnites, ce n’est pas un mariage temporaire de jouissance, il est donc valide. Il respecte les conditions canoniques de la validité de tout mariage à travers : 1) la présence d’un tuteur matrimonial, 2) le versement d’une dot, 3) la présence de témoins. La procédure est consacrée par la lecture collective d'al fatiha, la "première" sourate du Coran (selon la version transcrite sous le règne du Calife Othman). Ce mariage, appelé également coutumier (orfi), est un contrat oral, non transcrit et qui ne donne par conséquent lieu à aucun document écrit. Malgré l'absence d'une traçabilité écrite, c’était le contrat de mariage le plus usité et le plus courant, surtout dans le monde rural, ce monde de l’oralité par excellence. Dans les villages, et au sein des quartiers des médinas, tout le monde sait que tel homme de telle famille a épousé telle femme de telle famille. Ce témoignage collectif oral-oculaire suffisait à garantie les droits de l’épouse et des enfants. En le contractant, le musulman se sent en paix avec sa foi, avec Dieu. Il ne peut, selon la Shari’a, être accusé de fornication (zina).

 

Pourquoi donc des islamistes marocains notoires nient l’avoir contracté et consommé ? Est-ce parce que ce sont des islamistes « policés », dans le sens où ils croient aux lois de la polis (la cité), des lois qui les ont « polis » (de polissage) et dé-radicalisés.

 

Apparemment donc, ces islamistes polis placent les lois de la polis polis (cité en grec) au- dessus des lois de Dieu. Est-ce là une conviction sincère ? Croient-ils que les lois de la polis expriment la version marocaine modernisée de la Shari’a ? Thèse que j’ai affirmée à propos du « Code de la Famille » (pas à propos des islamistes). Les islamistes polis adoptent-ils cette thèse ? Si c’est le cas, c’est très bien, mais j’en doute.

 

Le plus plausible, c’est que le rejet du « mariage par fatiha » fait partie d’une sorte de taqia (تقية), de dissimulation, une sorte de simulacre pour continuer d’être perçus, par les pouvoirs publics, comme des islamistes bien-pensants, et bien agissants. Dieu appréciera cette taqia tactique, ce sacrifice, à leur juste valeur.

 

A linverse des islamistes polis, les salafistes qui restent salafistes assument publiquement ce contrat de mariage et renient pas sa validité shari’atique. Ce faisant, les salafistes contestent aux pouvoirs publics le droit de monopoliser la régulation et le contrôle du marché matrimonial. Bien entendu, l’attachement explicite et militant des salafistes, celui mitigé et clandestin des islamistes polis, exprime la volonté de préserver les pouvoirs et les privilèges de l’homme patriarcal, polygame, anti-égalitaire, anti-féministe.

 

Et pourtant, islamistes et salafistes savent pertinemment que le « mariage par al fatiha » n’est plus adapté à la ville moderne, à la massification urbaine, à l’anonymat qui y règne. Dans cet espace de l’individualisation, la pression sociale, ce regard des autres, n’a plus la même force pour imposer au mari d’observer les droits de l’épouse et des enfants. La morale islamique elle-même qui oblige tout musulman à être équitable envers l’épouse est en net recul. Elle est remplacée par une morale islamiste aveuglée par le désir de garder à l’homme le droit à une sexualité facile (sans tracas administratifs), polygamique dans certains cas, avec des filles mineures dans d’autres cas.

 

 

L’autre hypothèse, la plus simple, et également très plausible, c’est que les islamistes polis/policés ont simplement peur d’être poursuivis pour débauche (article 490 du code pénal) ou pour adultère (article 491) s’ils reconnaissent avoir consommé un « mariage par fatiha ». Cette peur est-elle justifiée ? Y a -t-il un risque réel de poursuite judiciaire pour débauche ou pour adultère ?

 

Soulever cette question est l’occasion de rappeler que les pouvoirs publics reconnaissent encore la légitimité du « mariage par fatiha » en rendant encore possible sa légalisation par la procédure de la confirmation de conjugalité (ثبوت الزوجية). Malgré cela, le risque de poursuite pour adultère est là si, au-delà de l’instruction, « instructions » il y a.

 

Attendons donc de voir comment cette nouvelle comédie entre les pouvoirs publics et ses islamistes polis va se conclure avant de conclure l’analyse.

 

En attendant, j’invite les créateurs (écrivains, scénaristes et artistes) de s’inspirer de cette triste et piteuse tragi-comédie pour produire des oeuvres véritables, des comédies ou des tragédies dignes de figurer dans le patrimoine littéraire et artistique marocain.

 

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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 19:37

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27 septembre 2017 3 27 /09 /septembre /2017 09:33

 

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