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10 décembre 2021 5 10 /12 /décembre /2021 17:30
A l'occasion de ce 10 décembre, "Journée Internationale des Droits de l'Homme", j'ai le plaisir de mettre à votre disposition mon texte "Les droits humains ne sont pas un objet de foi:
 
" Le « Considérant 5 » du Préambule de la « Déclaration Universelle des Droits de l’Homme » stipule que « les peuples des Nations Unies ont dans la Charte réaffirmé leur foi dans les droits de l’Homme fondamentaux, dans la dignité et la valeur de la personne humaine et dans les droits égaux des hommes et des femmes et qu’ils ont décidé de promouvoir le progrès social et de meilleurs standards de vie dans une liberté plus grande ». A mon avis, l’usage de la notion de foi est compréhensible, comme simple métaphore, de la part des peuples. La foi est ici déconnectée de sa teneur religieuse pour signifier tout simplement une croyance en quelque chose qui n’est pas d’ordre religieux. Cela prête déjà à confusion entre deux registres bien distincts l’un de l’autre. Cela ne peut donc être soutenu par un citoyen soucieux de rigueur conceptuelle.
Car faire des droits de l’homme un objet de foi est un acte qui risque de signifier que les Droits de l’Homme sont un «indémontrable », un postulat qui ne tient que grâce à une foi, sans preuves. Ce faisant, on transforme les droits de l’homme en une sorte de religion civile, universaliste, une religion qui voudrait supplanter et s’installer au-dessus de toutes les autres religions. Cette attitude débouche, dans le cas du Maroc, sur le déraisonnement public, c’est à dire sur la polémique et les tensions, voire sur la violence. Une société démocratique ne peut donc reposer sur le credo de la foi (quelle qu’elle soit), car la foi est plurielle et aucune foi ne peut être considérée comme supérieure aux autres. Pour cette raison, l’universalité des droits de l’homme provient non pas du fait que ceux-ci soient un objet de foi, c’est à dire indémontrables, mais au contraire du fait qu’ils soient démontrables, accessibles à la raison de tous, preuves (empiriques surtout) à l’appui. Leur rationalité s’impose à tout être humain doué de bon sens, cette chose «la mieux partagée du monde ». Il est donc contradictoire d’affirmer que les droits de l’homme sont un objet de foi et de vouloir en même temps promouvoir le raisonnement comme ordre public. La foi, quelle qu’elle soit, empêche le raisonnement de devenir ordre public. Les droits de l’homme ne peuvent être en même temps foi et raison. Ils sont la « Raison » Une et unificatrice opposée à la foi plurielle d’un « Sujet » pluriel.
Il me semble que l’une des tâches imminentes est de promouvoir un raisonnement public marocain en partant du prisme des droits de l’homme. Et ce sur la base des questions suivantes:
1-Dans quelle mesure la constitution, les lois, les pratiques judiciaires respectent-elles la première génération des droits de l’Homme, celle des droits civils et politiques, des citoyen(ne)s marocain(e)s? A titre d’exemple, le droit à la liberté religieuse et à l’égalité des sexes en matière de droits. Quels sont au Maroc les forces et les faiblesses, les opportunités et les obstacles dans le champ de la première génération des droits de l’homme ?
2-Dans quelle mesure la constitution, les lois, les pratiques judiciaires respectent-elles la deuxième génération, celle des droits sociaux et économiques, des citoyen(ne)s marocain(e)s? A titre d’exemple, le droit à l’éducation et à l’emploi, le droit à une couverture sociale… Quels sont au Maroc les forces et les faiblesses, les opportunités et les obstacles dans le champ de la deuxième génération des droits de l’homme ?
3-Dans quelle mesure la constitution, les lois, les pratiques judiciaires respectent-elles la troisième génération, celle des droits sexuels et reproductifs, des citoyen(ne)s marocain(e)s? A titre d’exemple, le droit à une sexualité consentie (quel que soit le statut matrimonial), le droit à une protection contre les IST-VIH-SIDA et contre les grossesses non désirées… Quels sont au Maroc les forces et les faiblesses, les opportunités et les obstacles dans le champ de la troisième génération des droits de l’homme ?
4-Dans quelle mesure la constitution, les lois, les pratiques judiciaires respectent-elles la quatrième génération des Droits de l’Homme, celle des droits environnementaux, des citoyen(ne)s marocain(e)s? A titre d’exemple, le droit à l’eau, le droit à l’assainissement… Quels sont au Maroc les forces et les faiblesses, les opportunités et les obstacles dans le champ de la quatrième génération des droits de l’homme ?
C’est à partir de ces quatre grands questionnements, respectueux du prisme propre des Droits de l’Homme, que l’on peut avoir une vision complète de la réponse marocaine à l’impératif rationnel des Droits de l’Homme, et voir dans quelle mesure la réponse est adéquate ou insuffisante, respectueuse ou non de l’indivisibilité et de l’interdépendance des quatre générations susmentionnées.
A partir de ce constat-diagnostic, il sera alors possible d’élaborer un manuel (adéquat) d’éducation aux droits de l’homme à l’adresse des formateurs censés éduquer la jeunesse en la matière. Un manuel en quatre parties, chacune traitant une génération. Un manuel qui comprendra 20 fiches pédagogiques, cinq pour chaque génération des droits de l’homme, afin d’éviter d’une part la focalisation sur les droits civils et politiques et d’autre part l’occultation de certains autres droits de l’homme dits gênants. Il faut partir du constat que tous les droits de l’homme sont gênants pour tout système politique qui refuse de basculer de manière systémique dans la démocratie. Signalons à ce propos que les droits sexuels et reproductifs, en tant que droits de l'homme, sont ceux qui intéressent plus les jeunes, à partir de 15-16 ans. Ce sont ces droits-là qui ont le plus de chances de rendre les jeunes plus sensibles aux droits de l'homme de manière plus générale, de les motiver et de les mobiliser.
Le Manuel doit permettre aux formateurs de faire voir aux jeunes que les droits de l’homme ont été démontrés par la philosophie et les sciences sociales, qu’ils doivent être tous consacrés par et dans les lois nationales. Et devenir non pas une foi, mais une conviction rationnelle et raisonnable à adopter. Une conviction à défendre avec passion pour pouvoir arriver à un vivre-ensemble dans la dignité de toutes et de tous.
Parmi les droits de l'homme qui permettent un vivre-ensemble digne, le droit à la liberté religieuse. En effet, l'article 18 de la déclaration stipule que l'individu est libre d'avoir et de pratiquer une religion, libre de changer de religion, et libre de n'avoir aucune religion. Et tous les individus sont égaux indépendamment de leur attitude envers la/les religions. C’est cela même qui oblige chaque individu à respecter l’autre ainsi que sa religion ou sa non religion, et qui le préserve de tout dogmatisme et de tout fanatisme. En érigeant la liberté religieuse (dans l’égalité) en droit fondamental, les droits de l'homme sont à la fois libres et respectueux de toute foi, et signent ainsi leur supériorité par rapport à toute religion.

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