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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 10:47

Chaque fois que les islamistes sont à court d’arguments rationnels contre le droit à l’avortement, contre le droit à la vie (abolition de la peine de mort), contre le droit à la sexualité, et contre le droit au dé-jeûner public, ils proposent de recourir au référendum populaire, sûrs d’avoir la majorité de leur côté.

Je dois rappeler ici que le référendum populaire n’est pas une procédure juridique et/ou politique qui a une place dans l’islam. Avant la modernité, avant la démocratie, et tout au long de l’histoire de l’islam, la «‘amma » (populace/plèbe العامة) n’est jamais consultée, elle n’a pas à être consultée. La « shoura » (consultation) consiste à consulter uniquement ceux qui savent (les Ouléma). Ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ne sont pas égaux, l’opinion de ceux qui ne savent pas n’a aucune valeur, elle ne peut égaler l’opinion de ceux qui savent (en l’occurrence les Ouléma, une partie de la Khassa).

Alors si, aujourd’hui, la ‘Amma, la grande majorité au sens statistique, se prononce contre les quatre droits humains cités ci-dessus, son opinion n’a aucune valeur du point de vue du droit musulman. Pourquoi donc se référer à cette opinion populaire non informée, mal informée ? Quelle importance accorder à la ‘amma qui ne sait pas pourquoi la peine de mort doit être supprimée, pourquoi le sexualité des non-mariés est prohibée, pourquoi l’avortement est autorisé dans certaines circonstances en deçà de 120 jours de grossesse, et pourquoi un Marocain musulman a le droit de dé-jeûner en public ? Quel crédit accorder à cette opinion ignorante ?

Si le référendum est brandi par les islamistes (à court d’arguments comme « argument » ultime), c’est pour donner une soi-disant légitimité démocratique à leur refus des quatre droits sus-cités. Le problème, c’est que la ‘amma n’est pas une majorité politique (aghlabiya), elle est uniquement une majorité démographique (aktariya) élevée dans la confusion entre islam et refus des droits humains. Cette confusion n’est pas une opinion politique au sens strict, elle est une opinion religieuse dominante. Par conséquent, on ne peut pas, si on est honnête, faire passer l’opinion d’une aktariya non informée pour une opinion politique majoritaire (aghlabiya). L’islamisme joue sur cette confusion malhonnête entre aktaria et aghlabiya, entre démographie et politique. Et en effet, la ‘amma ne fera que reproduire une opinion qu’elle a assimilée au cours de sa longue socialisation religieuse rigide opérée par des Ouléma rigides. Le référendum, non religieux, est ici exploité par le religieux pour se renforcer. Le référendum, une technique démocratique, est ici déraciné de son socle démocratique pour servir des fins non démocratiques. C’est du machiavélisme islamiste.

L’enjeu aujourd’hui est de faire de l’ijtihad pour dire que l’islam marocain d’aujourd’hui, celui dont nous avons le plus besoin pour construire une société civile démocratique, n’est pas contraire aux droits humains. Cet islam éclairé, résultat d’un ijtihad collectif éclairé par le sociologue, le seul savant ayant la légitimité scientifique de faire un diagnostic scientifique de l’état de la société et de son évolution, est un islam favorable au droit à la vie (contre l’abolition de la peine de mort), au droit à l’interruption nécessaire de la grossesse (afin de préserver principalement la santé sociale de la mère), au droit à la sexualité (protégée contre les grossesses involontaires), au droit au dé-jeûner public (au nom de l’égalité des citoyens dans l’espace public). Ce Maroc des droits humains n’est pas contre l’islam en soi, il est contre l’islam de la ‘amma et de ceux qui les maintiennent dans l’ignorance (une « sainte ignorance ») à des fins de domination et d’exploitation.

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